Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
sur le champ de bataille ».
Tandis que les Tuniques Bleues marchaient sur Pawnee Fork, certains des chefs partirent en avant afin de prévenir les guerriers cheyennes de l’arrivée imminente des soldats. D’autres firent le trajet avec Wynkoop, lequel expliqua plus tard qu’ils manifestèrent de différentes manières « leurs craintes au sujet du résultat de l’expédition – qu’ils ne craignaient pas pour leur propre vie ou liberté (…) mais avaient peur à l’idée de la panique que l’arrivée des troupes susciterait chez leurs femmes et leurs enfants ».
Dans l’intervalle, le campement cheyenne avait appris que la colonne de soldats arrivait. Les messagers expliquèrent que Vieil-Homme-Tonnerre était en colère parce que Roman Nose n’était pas venu le voir à Fort Larned. Roman Nose en fut flatté, mais ni lui ni le Sioux Pawnee Killer (dont la bande était installée non loin de là) n’avaient l’intention de laisser Vieil-Homme-Tonnerre et ses soldats s’approcher de leurs campements sans défense. Ils rassemblèrent trois cents guerriers, avec lesquels ils partirent à la rencontre de la colonne d’Hancock, non sans avoir fait incendier les prairies entourant leurs villages pour empêcher les soldats de s’y installer.
Au cours de la journée, Pawnee Killer partit en avant afin de parlementer avec Hancock. Il expliqua au général que Roman Nose et lui-même tiendraient conseil avec lui le lendemain matin, à condition que les soldats ne campent pas trop près des villages. Au crépuscule, les troupes s’installèrent à plusieurs kilomètres de Pawnee Fork. Nous étions le 13 avril, la Lune-de-l’herbe-rouge.
Cette nuit-là, Pawnee Killer et plusieurs chefs cheyennes quittèrent le camp des soldats pour rejoindre leurs villages et y discuter de ce qu’il convenait de faire. Mais les désaccords étaient tels que rien ne fut décidé. Roman Nose proposait de démonter les tipis et de partir vers le nord en se dispersant afin que les soldats ne puissent pas les attraper, tandis que les chefs, qui avaient pris la mesure des forces d’Hancock, refusaient de provoquer une traque qui serait forcément impitoyable.
Le lendemain matin, les chefs tentèrent de persuader Roman Nose de les accompagner pour discuter avec Hancock, mais le guerrier, soupçonnant un piège, refusa. Après tout, Vieil-Homme-Tonnerre ne l’avait-il pas traité à part, n’avait-il pas traversé les plaines avec toute une armée pour le chercher, lui, Roman Nose ? Comme la matinée était presque finie, Bull Bear se dit qu’il ferait mieux d’aller au camp des soldats. Il y trouva Hancock d’humeur arrogante. Le général exigea de savoir où se trouvait Roman Nose. Bull Bear tenta diplomatiquement de lui expliquer que Roman Nose et les chefs avaient été retardés par une chasse au bison, ce qui ne fit qu’augmenter la colère d’Hancock. Le général annonça qu’il allait faire marcher ses troupes sur le village et qu’elles y resteraient jusqu’à ce qu’il voie Roman Nose. Bull Bear ne répondit rien. Il enfourcha son mustang d’un air détaché, s’éloigna au pas quelques minutes avant de rejoindre le village au grand galop.
L’annonce de l’arrivé des soldats fit immédiatement réagir le campement indien. « Je vais aller seul à sa rencontre et je le tuerai, ce Hancock ! » cria Roman Nose. Il était trop tard pour démonter les tipis ou faire des préparatifs de départ. Les hommes mirent les femmes et les enfants sur les mustangs et leur dirent de fuir à toute vitesse vers le nord. Puis ils s’armèrent d’arcs, de fusils, de lances, de couteaux et de casse-tête. Les chefs désignèrent Roman Nose à la tête des guerriers, tout en chargeant Bull Bear de ne pas le quitter et de s’assurer que sa colère ne le pousserait pas à commettre des actions inconsidérées.
Roman Nose revêtit sa tunique d’officier avec ses épaulettes dorées et brillantes comme celles d’Hancock. Il glissa une carabine dans son fourreau et deux pistolets dans sa ceinture, et comme il avait peu de munitions, il compléta son armement avec son arc et son carquois. Au dernier moment, il prit un drapeau blanc. Il disposa ses trois cents guerriers sur une ligne longue de plus d’un kilomètre. Lances dressées, arcs tendus, fusils et pistolets armés, les Indiens avancèrent lentement à la rencontre des mille quatre cents soldats et de leurs gros canons.
« Il cherche la bagarre, cet
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