Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
répliquèrent qu’ils « vivraient ici, ou mourraient ». La seule chose qu’ils voulurent bien promettre à l’agent fut de contenir les ardeurs de leurs jeunes braves.
Avant la fin de l’été, les rumeurs faisant état des succès de Red Cloud contre les soldats dans la région de la Powder parvinrent aux oreilles des Dog-Soldiers. Si les Sioux et les Cheyennes du Nord réussissaient à défendre leurs terres, alors pourquoi les Cheyennes du Sud et les Arapahos ne pourraient-ils pas se battre pour conserver les leurs ?
Des bandes se réunirent sous le commandement de Roman Nose, et les chefs réfléchirent au moyen d’arrêter le trafic sur la route de la Smoky Hill. En effet, depuis que les Cheyennes étaient partis, une ligne de diligence avait été ouverte au beau milieu des meilleures terres à bisons, et les relais poussaient comme des champignons le long de la rivière. Les Indiens s’accordèrent à dire qu’il leur faudrait raser ces établissements s’ils voulaient avoir la moindre chance d’arrêter les diligences et les trains.
Ce fut à ce moment-là que George et Charlie Bent prirent des voies différentes. George décida de suivre Black Kettle, tandis que Charlie devenait un ardent partisan de Roman Nose. En octobre, alors que les deux frères retrouvaient leur père à Fort Zarah, Charlie se mit dans une rage folle et accusa ses compagnons de trahir les Cheyennes. Comme il menaçait de les tuer tous les deux, il fallut le désarmer de force. (Charlie rejoignit les Dog-Soldiers et mena plusieurs raids contre les stations de diligence ; il fut blessé en 1868, contracta la malaria, avant de mourir dans l’un des campements cheyennes.)
Vers la fin de l’automne 1866, Roman Nose se rendit à Fort Wallace avec un groupe de guerriers pour avertir l’agent de l’Overland Stage Company (20) que si, d’ici une quinzaine de jours, les diligences circulaient encore sur le territoire indien, les Cheyennes les attaqueraient. Mais une série de tempêtes de neige fit cesser tout trafic avant même que Roman Nose puisse mettre sa menace à exécution. Les Dog-Soldiers durent se contenter de quelques raids contre le bétail parqué dans les relais de diligence. Confrontés à la perspective d’un long hiver, ils décidèrent d’établir leur campement dans les Big Timbers, au bord de la Republican, où ils attendirent le printemps.
Cet hiver-là, afin de gagner un peu d’argent, George Bent passa plusieurs semaines avec les Kiowas à échanger des marchandises contre des manteaux en peau de bison. Au printemps, il retrouva le village de Black Kettle plongé dans un état de grande excitation : selon les rumeurs, une grande armée de Tuniques Bleues traversait les plaines du Kansas vers l’ouest, en direction de Fort Larned. Black Kettle convoqua un conseil devant lequel il déclara que la présence des soldats ne présageait que des ennuis. Il ordonna aux siens de rassembler leurs affaires et de descendre vers la Canadian River, plus au sud. Cela explique pourquoi les messagers de l’agent Wynkoop ne parvinrent à trouver Black Kettle qu’après le début de ces ennuis si justement prédits par le chef.
En revanche, les messagers de Wynkoop parvinrent à rencontrer la plupart des chefs des Dog-Soldiers, dont quatorze acceptèrent de venir à Fort Larned pour entendre ce que le général Winfield Scott Hancock avait à leur dire. Tall Bull, White Horse, Gray Beard et Bull Bear s’installèrent avec environ cinq cents tipis à Pawnee Creek, à pratiquement soixante kilomètres du poste militaire. Une tempête de neige s’étant levée, ils durent attendre quelques jours avant de pouvoir faire leur entrée dans le fort. Plusieurs d’entre eux arboraient des uniformes bleus de l’armée volés dans le nord. De toute évidence, cela ne fut guère du goût du général Hancock, qui portait le même type de veste avec des ornements aux épaules et des médailles toutes brillantes. Il reçut les Indiens avec hauteur et force fanfaronnades, en exhibant l’armée de mille quatre cents hommes dont il disposait, parmi lesquels ceux du tout nouveau 7 e de cavalerie, commandé par Derrière-Dur Custer. Hancock fit tonner le canon pour ses hôtes, qui décidèrent illico de le baptiser Vieil-Homme-Tonnerre.
Malgré la présence de leur ami Grand-Chef Wynkoop, les Cheyennes se méfièrent dès le départ de Vieil-Homme-Tonnerre. Au lieu d’attendre le lendemain pour commencer les
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