Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
pour les chasses au bison de l’automne. Ils ne feraient de mal à personne, et si on leur donnait des présents, ils signeraient le traité.
Le lendemain, à midi, par une chaude journée d’automne, les Cheyennes arrivèrent au galop. Ils franchirent une crête au sud de l’endroit où se déroulait le conseil, puis se mirent par rangées de quatre, comme les cavaliers de Derrière-Dur. Certains d’entre eux portaient des vestes de l’armée qu’ils avaient volées, d’autres des couvertures rouges. Leurs lances et leurs ornements argentés brillaient au soleil. À mesure que leur colonne approchait le lieu du conseil, les guerriers effectuèrent un virage pour se retrouver face aux commissaires qui se trouvaient sur l’autre berge. L’un des Cheyennes fit sonner son clairon. Alors, les mustangs partirent au galop, tandis que cinq cents voix criaient « Hiya hi-i-i-ya ! ». Brandissant leurs lances, levant leurs arcs tendus, tirant en l’air, les Indiens entrèrent dans la rivière en soulevant des gerbes d’eau. À coups de fouet, les rangées de devant firent grimper leurs mustangs sur la berge. Ils tombèrent presque nez à nez avec Moustaches-Blanches Harney, qui les accueillit, immobile, tandis que les autres négociateurs couraient se mettre à l’abri. Tirant brusquement sur leurs rênes, les chefs et les guerriers mirent leurs mustangs à l’arrêt, glissèrent à terre et, riant aux éclats, serrèrent les mains des Blancs médusés. Ils venaient de donner la démonstration du panache et de la bravoure des guerriers cheyennes.
Une fois les cérémonies préliminaires expédiées, commencèrent les discours. Tall Bull, White Horse, Bull Bear et Buffalo Chief prirent chacun la parole. Ils ne voulaient pas la guerre, mais s’y résoudraient s’ils ne pouvaient obtenir une paix honorable.
Buffalo Chief supplia une dernière fois les Blancs de laisser les Indiens chasser dans la vallée de la Smoky Hill. Les Cheyennes ne toucheraient pas à la voie ferrée, promit-il avant d’ajouter calmement : « Que cette terre nous appartienne à tous – les Cheyennes devraient toujours pouvoir chasser là-bas. » Mais les Blancs qui participaient au conseil ne croyaient pas à la possibilité de partager ne serait-ce qu’une partie du territoire au nord de l’Arkansas. Le lendemain matin, après le café, les chefs cheyennes et arapahos écoutèrent la lecture qu’on leur fit du traité par le truchement de George Bent. Au début, Bull Bear et White Horse refusèrent d’y apposer leurs signatures. George Bent les prit à part et les convainquit que c’était là le seul moyen de conserver leur pouvoir et de vivre avec la tribu. Une fois le traité signé, les représentants de Washington distribuèrent des cadeaux, dont des munitions pour la chasse. Ainsi s’acheva le conseil de Medicine Lodge. À présent, la plupart des Cheyennes et des Arapahos allaient devoir s’installer plus au sud, comme ils s’y étaient engagés. Mais pour trois ou quatre cents Indiens, cela était hors de question. Ils avaient déjà pris la direction du nord, liant ainsi leur sort à celui d’un guerrier qui refusait de céder. Le nom de Roman Nose ne figurait pas en bas du traité.
La majeure partie des Cheyennes et des Arapahos passa l’hiver 1867-1868 au sud de l’Arkansas, près de Fort Larned. Les Indiens avaient tué suffisamment de gibier cet automne pour survivre aux lunes froides, mais dès le printemps, le manque de nourriture se fit sentir. Grand-Chef Wynkoop venait de temps en temps leur distribuer le peu de vivres qu’il parvenait à obtenir du Bureau des Affaires indiennes. Comme il l’expliqua aux chefs, le Grand Conseil de Washington ne s’était toujours pas mis d’accord sur le traité et n’avait pas alloué les fonds promis pour l’achat de nourriture et de vêtements. Les chefs répliquèrent que s’ils avaient des armes et des munitions, ils pourraient aller dans la vallée de la Red River et y tuer suffisamment de bisons pour subvenir aux besoins de leur peuple. Or Wynkoop n’avait ni munitions, ni armes à leur donner.
À mesure que les journées s’allongeaient et devenaient plus chaudes, les jeunes braves commencèrent à s’agiter, à se plaindre du manque de nourriture et à pester contre ces Blancs qui ne tenaient pas les promesses faites à Medicine Lodge. Certains s’aventurèrent par petites bandes vers leurs anciens territoires de chasse dans la vallée de la
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