Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
Smoky Hill, plus au nord. Cédant aux exigences de leurs fiers Dog-Soldiers, Tall Bull, White Horse et Bull Bear traversèrent eux aussi l’Arkansas River. En chemin, quelques jeunes Indiens indisciplinés attaquèrent des fermes isolées dans l’espoir d’y trouver de la nourriture et des armes.
L’agent Wynkoop se rendit alors en toute hâte au village de Black Kettle pour supplier les chefs de patienter et, quand bien même le Grand Père aurait failli à sa promesse, de brider les ardeurs guerrières de leurs jeunes braves.
« Nos frères blancs sont en train de retirer la main qu’ils nous ont tendue à Medicine Lodge, déclara Black Kettle, mais nous nous efforcerons de ne pas la lâcher. Nous espérons que le Grand Père prendra pitié de nous et qu’il nous donnera les armes et les munitions promises, afin que nous puissions chasser le bison et épargner à nos familles les souffrances de la faim. »
Wynkoop gardait bon espoir, maintenant que le Grand Père avait confié à un nouveau Chef-Étoiles, le général Philip Sheridan, le commandement des forts du Kansas. Il organisa une rencontre à Fort Larned entre Sheridan et plusieurs chefs, dont Black Kettle et Stone Calf.
En voyant Sheridan, les Indiens trouvèrent qu’avec ses jambes courtes, son cou épais et ses grands bras ballants, il ressemblait à un ours ronchon. Au cours du conseil, Wynkoop demanda au général s’il pouvait fournir des armes aux Indiens. « Oui, donnez-leur des armes, répondit Sheridan dans un grognement, et s’ils nous font la guerre, mes soldats les tueront en hommes d’honneur. »
À quoi Stone Calf rétorqua : « Que vos soldats se laissent pousser les cheveux, et cela sera pour nous un honneur de les tuer. »
Le conseil se déroula dans une ambiance pour le moins tendue. Wynkoop obtint certes quelques fusils obsolètes pour les Indiens, mais le malaise des Cheyennes et des Arapahos persista. Nombre de leurs jeunes braves et la plupart des Dog-Soldiers étaient restés au nord de l’Arkansas, où certains attaquaient et tuaient tous les Blancs sur lesquels ils tombaient.
Fin août, la plupart des Cheyennes du Nord s’étaient rassemblés au bord de l’Arikaree, un affluent de la Republican. Tall Bull, White Horse et Roman Nose étaient là, accompagnés de trois cents guerriers et de leurs familles. Non loin, campaient quelques Arapahos et les Sioux de Pawnee Killer. Apprenant de la bouche de Bull Bear, installé près de la Solomon River avec sa bande, que le général Sheridan avait constitué une compagnie d’éclaireurs pour localiser les villages indiens, ils ne s’inquiétèrent pas outre mesure, occupés qu’ils étaient à trouver de la viande pour l’hiver.
Enfin, le 16 septembre, pendant la Lune-des-cerfs-qui-piaffent, un groupe de chasseurs sioux venus du village de Pawnee Killer vit une cinquantaine de Blancs installer leur campement au bord de l’Arikaree, à un peu plus de trente kilomètres en aval de celui des Indiens. Seuls deux ou trois d’entre eux portaient des uniformes bleus ; les autres étaient vêtus de manière rudimentaire, un peu comme des trappeurs. Il s’agissait de la compagnie constituée par Sheridan pour localiser les villages indiens, les « Éclaireurs de Forsyth ».
Alerté par les Sioux, Pawnee Killer envoya immédiatement des messagers demander aux Cheyennes de participer avec lui à une attaque contre ces Blancs qui avaient envahi leur territoire de chasse. Par l’intermédiaire des crieurs, Tall Bull et White Horse ordonnèrent aux guerriers de se mettre en tenue de combat, et de se peindre pour la guerre. Pendant ce temps, Roman Nose se soumettait à une cérémonie de purification dans son tipi. En effet, quelques jours auparavant, les Cheyennes avaient festoyé avec les Sioux, et l’une des femmes avait utilisé une fourchette en métal pour faire du pain frit, ce que Roman Nose n’avait appris qu’après avoir mangé ledit pain. Or, sa médecine lui interdisait de manger de la nourriture mise en contact avec du métal. Le pouvoir magique qui lui permettait d’échapper aux balles des Blancs perdrait toute efficacité tant qu’il n’aurait pas accompli les rites de purification.
C’était le genre de croyance auxquelles les Cheyennes adhéraient sans se poser de questions. Tall Bull demanda tout de même à Roman Nose de ne pas faire traîner les choses. Il ne doutait pas qu’ensemble les Cheyennes et les Sioux puissent tuer cinquante
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