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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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crois que tout progrès véritable dans le monde consiste dans une augmentation de la raison, théorique et pratique. Je crois qu’il est plutôt inutile de prêcher une morale altruiste, car elle n’aurait de l’influence que sur ceux qui déjà ont des désirs altruistes. Mais ce n’est pas tout à fait la même chose de prêcher la raison, puisque la raison nous aide à comprendre nos désirs complètement, quels qu’ils soient. Je crois que le contrôle de nos actes par notre intelligence est en fin de compte la chose la plus importante, qui seule permettra à la vie sociale de rester possible, tandis que la science augmente nos moyens de nous faire du mal les uns aux autres. L’éducation, la presse, la politique, la religion, – en un mot, toutes les grandes forces du monde – sont actuellement du côté de la non-raison ; elles sont entre les mains de ceux qui flattent le roi Démos afin de le conduire hors du droit chemin. Il ne faut pas chercher le remède à cette situation dans des solutions héroïques et cataclysmales, mais dans les efforts des individus pour une conception plus saine et plus harmonieuse de nos rapports avec nos voisins et avec le monde. C’est à l’intelligence, de plus en plus répandue, que nous devons nous adresser pour trouver la solution des maux dont notre monde souffre.

V
LA PHILOSOPHIE AU XX e SIÈCLE
    DEPUIS LA fin du Moyen Âge, le rôle social et politique de la philosophie décline continuellement. William of Ockham, un des plus grands philosophes du Moyen Âge, fut engagé par l’empereur pour écrire des pamphlets contre le pape ; à cette époque beaucoup de questions brûlantes étaient liées à des disputes d’écoles. Les progrès de la philosophie au XVII e  siècle furent plus ou moins en connexion avec l’opposition politique contre l’Église catholique ; il est vrai que Malebranche fut un prêtre, mais il n’est pas permis aux prêtres d’accepter sa philosophie. Les disciples français de Locke au XVII e  siècle et ceux de Bentham en Angleterre au XIX e avaient pour la plupart des opinions politiques très radicales, et ils créèrent de nos jours la conception du monde bourgeoise et libérale. Mais la liaison de la politique et de la philosophie se relâche continuellement à mesure que nous avançons dans le temps. Hume était un tory en politique, bien que sa philosophie fût très radicale. Ce n’est qu’en Russie, qui était demeurée moyenâgeuse jusqu’à la Révolution, que survit la liaison entre la philosophie et la politique. Les Bolchéviks sont matérialistes, tandis que les Blancs sont idéalistes. Au Tibet, cette liaison est encore plus étroite ; le deuxième fonctionnaire de l’État porte le titre de « métaphysicien en chef ». Nulle part ailleurs, on ne tient plus la philosophie en cette haute estime.
    La philosophie académique, au cours du XX e  siècle, se divise en trois groupes principaux. Le premier comprend les partisans de la philosophie allemande classique, généralement de Kant, quelquefois de Hegel. Le second comprend les pragmatistes et Bergson. Le troisième comprend ceux qui s’attachent à l’étude des sciences et qui croient que la philosophie n’a pas le monopole de la vérité et qu’elle ne fournit pas une méthode particulière pour l’atteindre ; on peut, pour la commodité appeler ces hommes des réalistes, bien qu’en fait, il y en ait plusieurs d’entre eux à qui ce nom ne s’applique pas exactement. La distinction entre les différentes écoles n’est pas nette et certains appartiennent partiellement à l’une et à l’autre. On peut considérer William James comme le fondateur du réalisme et du pragmatisme. Les livres récents de Whitehead utilisent des méthodes réalistes pour défendre une métaphysique plus ou moins bergsonienne. Beaucoup de philosophes considèrent, non sans une grande apparence de raison, la doctrine d’Einstein comme fournissant une base scientifique à la théorie kantienne de la subjectivité du temps et de l’espace. Ainsi, les distinctions de fait sont moins claires que les distinctions logiques. Néanmoins les distinctions logiques sont utiles puisqu’elles fournissent un schéma pour classer les opinions.
    L’idéalisme allemand, tout au long du XX e  siècle, était sur la défensive. Les nouveaux livres reconnus comme importants par d’autres que des professeurs représentent des écoles plus modernes, et quelqu’un qui jugerait

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