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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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fleurs de lys debout dans les merlons, donnant avec coeur de la hache de guerre, de la masse d’armes et de l’épée, elle se dit que la partie était gagnée mais allait se poursuivre par un massacre qu’elle serait impuissante à éviter. Lorsqu’elle s’en plaignit à d’Alençon, il lui répondit que c’étaient les lois de la guerre et que, si ses pourparlers avaient réussi, on n’aurait pas eu à regretter ces actes cruels.
    Jeanne n’avait rien à opposer à ce qui tombait sous le coup de la logique : cette victoire qui lui était due avait pour corollaire l’égorgement de cinq cents Anglais. Elle se retira sous sa tente, les mains sur ses oreilles pour ne pas entendre les cris de mort montant de la ville. Une autre rumeur bourdonnait en elle, à laquelle, même enfouie à une lieue sous terre, elle n’aurait pu rester sourde. Un grondement confus de voix venues elle ne savait d’où l’assaillait et brouillait ses pensées. Elle distinguait dans ce magma sonore des expressions de reproche, de colère, de remords. Elle s’efforçait en vain de les écarter pour laisser place aux seules voix qui lui eussent apporté le réconfort du pardon, mais elles tardaient à se manifester. Lorsque Louis de Coutes l’eut désarmée, elle resta en chemise, assise sur un escabeau, son épée de Fierbois en travers des genoux. Elle fit le geste de la briser, mais elle n’en avait ni la force ni vraiment la volonté. Elle se dit : « Je tiens cette arme de par Dieu. Je ne puis m’en séparer ni la renier. » Elle faisait mine d’oublier, ou peut-être ne s’en souvenait-elle plus, le marché qu’elle avait conclu avec Madame Yolande et le miracle si bien ficelé.
     
    La nuit allait tomber lorsqu’elle s’arma de courage et décida de traverser la ville pour aller se recueillir en l’église de Jargeau.
    Elle se trouva confrontée à un théâtre d’horreur : les rues ouvraient des chemins de sang vers la place principale pavée de cadavres anglais gisant la gorge tranchée, le ventre ouvert ou décapités à coups de hache ; des maisons livrées au pillage et au viol montait un chant funèbre fait de cris et de gémissements.
    De tous les édifices de la ville, l’église était le seul qui pût lui proposer un havre de solitude et de silence. Des cierges brûlaient encore au ras des bobèches en lâchant une fumerolle noire. Elle trouva un prêtre terré dans la sacristie, tremblant comme sous l’effet de la fièvre ; elle le rassura, disant qu’elle était la Pucelle et voulait se confesser. Le Ego to absolvo tarda à venir, car, pour de tels crimes dont il la savait en partie responsable, il ne trouvait aucune forme de pardon.
    Elle avançait comme une ombre en enjambant les cadavres quand un toucher lui effleura l’épaule. Elle se retourna vivement, la main à la poignée de sa dague, reconnut Richemont.
    – Décidément, dit-elle, vous ne me lâchez plus !
    – Pardonne-moi. Il fallait que je te parle. J’ai assisté à l’assaut final, caché dans un groupe de Poitevins, et je t’ai vue à l’oeuvre. Aucun capitaine n’aurait eu ton courage et ton allant, sauf peut-être Du Guesclin. J’en avais des sueurs froides. À plusieurs reprises même, j’ai failli venir à la rescousse, mais il est probable que tu n’aurais pas voulu de mon aide.
    – Sans doute. Je le regrette.
    – Un seul reproche : tu en fais trop. Continue à t’exposer comme tu le fais et je ne donnerai pas cher de ta peau. D’ailleurs, tu as été blessée une nouvelle fois...
    – Si j’avais vraiment risqué ma vie, j’en aurais été prévenue. Vous savez par qui...
    – Il n’empêche : je suis fier de toi.
    Elle répliqua, avec un mauvais sourire :
    – Vraiment ? C’est ce que m’a dit d’Alençon. Mais regardez autour de vous ! Y a-t-il de quoi être fière ?
    – Aurais-tu l’intention de rendre ton épée et de renoncer à ta mission ?
    – Mon épée m’a été donnée par sainte Catherine. Quant à ma mission, elle n’est pas encore achevée.
    Ils se retournèrent en entendant une bordée de cris joyeux et de rires venant de l’église. Un groupe de Gascons ivres s’y était engouffré en apprenant que les Anglais en avaient fait un dépôt de vivres. Ils en ressortaient sans avoir rien trouvé et s’étaient vengés en emportant les objets du culte et des chasubles dont ils se drapaient. Ils traînaient par les pieds le cadavre d’un prêtre.
    Suffolk fut capturé alors qu’il

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