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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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j’en suis navré, mais j’ai été surpris à ma sortie d’Orléans par un orage qui m’a suivi jusqu’ici et je me suis enlisé dans un marécage. Je ne suis pas à toucher avec des pincettes, mais tu vas me faire préparer un bain et me faire donner des vêtements neufs. S’il te plaît...
    Il ajouta que, lorsqu’il aurait fait toilette, il se présenterait de nouveau devant elle.
    – Monsieur le connétable, dit-elle, vous arrivez au bon moment.
    – Ce n’est sûrement pas, dit-il en éclatant de rire, l’avis de tout le monde...
    Richemont passa une heure aux étuves. Quand il revint vers la Pucelle, il était propre comme un sou neuf. Il était dix heures du matin. Jeanne l’invita à partager son dîner et fit en sorte de rester seule avec lui. Dans cette cour de grenouilles, de crapauds, de serpents, elle devinait en lui un personnage qui, sous un abord rébarbatif, avait un coeur d’or. Elle appréciait par-dessus tout sa franchise, son intransigeance, la rudesse de sa parole, autant de qualités qui lui avaient valu sa disgrâce, sans qu’on pût lui retirer son titre de connétable. Il était devenu un capitaine sans armée, un ministre sans pouvoir, un courtisan sans amis.
    Jeanne lui demanda ce qu’il avait fait de son temps depuis qu’il avait été chassé de la cour. Il avoua entre deux bouchées qu’il n’avait pas mis ses coudes sur une table depuis une semaine, avant d’ajouter :
    – Ce que j’ai fait ? Un peu de tout, beaucoup de rien.
    À la tête de ses Bretons il avait, durant près de deux ans, traîné ses grègues en Bretagne, en Normandie et en Poitou où il avait donné du fil à retordre aux mercenaires de La Trémoille, son ennemi juré. Il avoua que cette petite guerre ne lui déplaisait pas, mais qu’il avait gardé la nostalgie des vraies batailles.
    Elle l’interrogea sur ce qu’il comptait faire et sur l’endroit où il souhaitait aller.
    – Je vais demander à reprendre mes fonctions, dit-il, et à me rendre où l’on aura besoin de mes services.
    – Vous savez ce que vous risquez en vous rapprochant du dauphin ? Il doit être déjà informé de votre venue. La Trémoille de même.
    – Georges... ce brigand... J’ai une dent contre lui et le tour qu’il m’a joué n’a fait que l’aiguiser. Je suis son cousin, j’étais son ami. Il a poussé ce pauvre Charles à me chasser comme un chien dangereux.
    – Seriez-vous revenu dans l’intention de le tuer ?
    – Cette idée me poursuit, aujourd’hui surtout, alors que je le sais à ma portée, mais ce n’est pas le but de mon retour... Jeanne, j’ai décidé de t’aider depuis que j’ai appris comment tu t’es conduite à Orléans. Ce serait un grand honneur si je pouvais lier mon nom à celui de la Pucelle. Lorsqu’il faudra faire place nette sur la Loire avant de prendre la route du sacre, tu auras besoin de moi, de mon expérience de la guerre de siège, des escarmouches et des batailles rangées, et je n’ai pas froid aux yeux.
    – Personne n’en doute !
    Il bâfrait comme un rustre, essuyait à sa manche plus souvent qu’à la nappe ses lèvres sanguines luisantes de sauce, buvait à même la cruche, rotait et postillonnait. En face de lui, Jeanne se contentait de tremper des lichettes dans une meurette.
    – Vous ne trouverez pas seulement La Trémoille en face de vous, dit Jeanne. Jean d’Alençon ne vous porte pas dans son coeur...
    – ... et c’est réciproque ! Ce dadais se prend pour un homme de guerre alors qu’il a tout à apprendre. S’il n’était le gendre de Madame Yolande, il ne serait rien.
    – C’est pourtant à lui que le dauphin va confier son armée.
    – C’est ce que j’ai appris et c’est la raison de ma présence. Je sais aussi que c’est toi qui as incité le dauphin à prendre la route de Reims au lieu d’aller guerroyer en Normandie, comme le souhaitait cette fripouille de La Trémoille. Ce pauvre Charles ! tu l’as embobeliné de main de maître. Tu lui as parlé de tes voix, de tes saints, de tes frères du Paradis ?
    – Je n’ai pas eu trop de mal à le retourner. Il est crédule, mais pas au point d’avaler toutes les couleuvres que ses ministres lui présentent.
    Il acheva de ronger un os de poulet avant d’ajouter :
    – Je dois à la vérité de dire que j’ai longtemps douté de la sainteté de ta mission. J’en ai trop vu, en Bretagne, de ces folles, de ces sorcières, de ces fausses prophétesses que j’ai jetées au bûcher, pour

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