Et Dieu donnera la victoire
ne pas me montrer méfiant. Aujourd’hui, je crois sincèrement que c’est Dieu qui t’envoie. Je ne te crains pas parce que je crois en Lui, mais si c’était le diable je te craindrais moins encore.
– J’aime votre franc-parler, monsieur le connétable, et je suis persuadée que vous pourriez m’être utile, mais il reste beaucoup de monde à convaincre...
Beaucoup de monde, à commencer par le dauphin : lui d’accord, le reste suivrait bon gré mal gré.
Dans ses démarches pour faire accepter le retour de Richemont, Jeanne se heurta au même mur d’hostilité : confier une responsabilité dans l’armée à ce brûleur de sorcières, à ce criminel, à cet insolent, paraissait inconcevable à tous, à commencer par le dauphin. Le connétable réagit par une violente colère à cet ostracisme.
– Charles s’entête ? Il apprendra qu’il a affaire à plus obstiné que lui ! On ne se débarrasse pas de moi en feignant de m’ignorer. Qu’on le veuille ou non, moi et mes Bretons, nous suivrons l’armée.
Richemont eût bien aimé participer au siège de Jargeau, cette cité située à trois lieues environ d’Orléans, en amont de la Loire, où Talbot avait rassemblé quelques résidus de son armée après son départ d’Orléans. Depuis des mois, les Anglais occupaient cette place et avaient eu le temps de la mettre en état de défense, sous la conduite, depuis peu, de Suffolk.
Les six cents lances conduites par Jeanne et d’Alençon arrivèrent à la tombée de la nuit en vue des faubourgs ouverts. Afin de parer une sortie des Anglais, on avait dressé le camp à bonne distance des remparts.
Alors qu’elle venait de souper, Jeanne vit passer par l’ouverture de sa tente un visage connu.
– Vous ! monsieur le connétable !... s’exclama-t-elle. Comment avez-vous pu franchir nos postes de garde ? Vous savez ce que vous risquez ?
– Je passe où j’ai décidé de passer, Jeanne. Souviens-toi : je porte l’image du sanglier dans mes armes. Quant au risque... il en faudrait davantage pour me décourager.
Il ajouta, en entrant :
– Je viens d’apprendre une nouvelle qui t’intéressera. Falstaff n’est pas loin, avec une puissante armée, au coeur de la Beauce, mais te dire où... D’Alençon a intérêt à ne pas trop s’attarder à Jargeau s’il ne veut pas avoir deux adversaires à affronter. Dis-le-lui de ma part et conseille-lui de mieux s’informer.
– Je lui ferai la commission, dit Jeanne.
Il ratissa sur la table ce que Jeanne avait laissé de son souper.
– Ne m’oublie pas dans tes prières, dit-il. Si tu veux me trouver, mon camp est à un quart de lieue en aval. Ce soir, je ferai donner un petit concert en ton honneur. Merci pour le pain, la viande et le vin. Serviteur...
Avant de s’endormir, Jeanne tint à prévenir d’Alençon de la nouvelle que Richemont lui avait communiquée. Il tenait conseil – sans elle ! – avec Gilles de Rais et quelques capitaines. Il s’emporta :
– Au diable ce connétable ! Il se mêle de ce qui ne le regarde pas et de plus ne nous apprend rien. Dis-lui que, s’il ose se montrer avec ses Bretons, nous lâcherons nos chiens !
– Tu aurais tort, dit Jeanne. Il peut nous être précieux. La situation exige que nous nous entraidions.
À peine venait-elle, de retour dans sa tente, d’achever ses oraisons qu’une vague de musique lointaine parvint à ses oreilles. Les Bretons du connétable lui donnaient leur concert de binious et de bombardes.
Les Anglais avaient prévu l’offensive. Lorsque les premiers éléments français se présentèrent devant le faubourg, ils trouvèrent l’ennemi rangé en bataille sous les bannières aux léopards et durent se replier sous une grêle de flèches. Jeanne saisit son étendard, éperonna Pollux et rameuta les fuyards auxquels se joignit une vague de piétons entraînée par La Hire. Les Anglais se replièrent vers le châtelet en poussant des clameurs d’épouvante :
– La sorcière ! C’est elle !
Les faubourgs occupés, restait à entamer la résistance des Anglais. D’Alençon fit avancer les lourdes bombardes anglaises abandonnées dans les bastilles et confia à Jeanne le commandement de l’artillerie. Elle disposa les pièces à sa guise, veilla à ce qu’elles fussent approvisionnées en munitions et commanda le feu avec l’autorité d’un vieil artillier. Elle avait mis dans sa ligne de mire une grosse tour et, s’avançant au bord du fossé,
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