Et Dieu donnera la victoire
que ce qu’Il veut bien me dire.
Elle aida la petite à se hisser sur le garrot et la tint serrée contre elle jusqu’à la porte Renart.
– Dieu te protège, Charlotte, dit-elle en l’embrassant. Chaque soir, je dirai une prière à ton intention. Fais de même pour moi.
Le duc d’Alençon attendait la Pucelle dans la prairie des bords de Loire où il avait installé son camp. Il éclata de joie en la voyant précéder un attelage de trente roussins tirant l’énorme bombarde utilisée à Orléans et qu’en l’honneur de Jeanne on avait appelée la Bergère . Cette énorme pièce à feu crachait des boulets de plus de cent livres qui avaient fait des brèches dans les bastilles. On la mena dare-dare sous les murailles de Meung, une ville de modeste importance qui n’avait aucune vocation à l’héroïsme. Quelques bordées de boulets firent s’ouvrir la porte d’Aumont aux Français, les Anglais s’étant réfugiés en petit nombre dans les châtelets du pont que l’on renonça à investir en se contentant de les laisser sous bonne garde.
Située à moins d’une lieue de Meung, Beaugency devait donner de la tablature aux Français. Elle semblait somnoler entre ses champs de blé et ses vignobles dans la lourde chaleur de juin lorsque les avant-gardes de La Hire pénétrèrent dans les faubourgs sans essuyer la moindre résistance, en évitant le pont de vingt-six arches ouvert en son milieu d’une arche marinière.
Calme trompeur. La Hire et ses hommes étaient à peine engagés dans le chemin menant à la porte principale qu’ils furent assaillis par un déluge de carreaux d’arbalètes et des plombées de couleuvrines. Le siège n’était pas commencé que l’on comptait déjà des dizaines de morts et de blessés devant la porte Vendômoise.
Jeanne et son écuyer revenaient du bord du ru où ils étaient allés faire boire leurs chevaux lorsque la Pucelle aperçut dans la nuit tombante une silhouette familière qui, se détachant d’un taillis, s’avançait vers elle en suçant une herbe d’un air désinvolte.
– Monsieur le connétable ! dit-elle. Vous ici ! Quelle audace... Si le duc d’Alençon apprenait, il...
– Ce pauvre imbécile ! Je m’en charge.
En faisant à Jeanne un brin de conduire jusqu’aux abords du camp à travers le faubourg du Mail, il lui annonça qu’à cette heure deux de ses gentilhommes bretons, Kermoisan et Rostrenen, étaient en pourparlers avec le duc pour tenter de le convaincre de renoncer à ses préventions contre lui.
– Les forces dont je dispose, dit-il, devraient lui donner à réfléchir, alors que ce siège pourrait bien le tenir longtemps immobilisé. Lord Scales et le jeune Warwick viennent d’entrer dans la place. Ce ne sont pas des enfants de choeur. Si ce blanc-bec de d’Alençon refuse mes services, il risque un échec que le dauphin ne lui pardonnera pas.
Les deux émissaires de Richemont revinrent déçus au camp des Bretons, installé non loin de la Porte-Dieu. Ils s’étaient faits rembarrer sans aménité. Lorsque Jeanne retrouva le duc, il était sur les nerfs, le visage agité de tics nerveux.
– Je sais ce qui t’amène, dit-il, mais ma position n’a pas changé ! Cette brute ne fera jamais partie de mon armée et...
– ... et tu lâcheras les chiens, l’as-tu assez répété ! Ton entêtement est ridicule. Ridicule et dangereux. Nous allons avoir besoin des Bretons.
– Tu prends de nouveau son parti contre moi... soupira le duc. Soit ! Mais je te préviens, s’il arrive à ses fins, je partirai ou alors je le provoquerai en duel.
Il l’écarta brutalement, fit appeler La Hire et Gilles de Rais, leur dit son intention d’aller provoquer le connétable. Ils eurent du mal à contenir son élan et à apaiser sa colère.
– Il serait ridicule, dit Gilles, de refuser le secours de six cents hommes sous prétexte d’un désaccord entre Richemond et La Trémoille. Dans un premier temps, nous pourrions utiliser ses forces à faire le guet, comme c’est la coutume pour les nouveaux venus. Nous saurions ainsi ce que vaut son engagement.
– C’est bien raisonné, dit Jeanne.
– Je ne compte pas Richemont parmi mes amis, ajouta La Hire, mais je dois reconnaître que c’est un fameux meneur d’hommes.
D’Alençon finit par céder : lorsque l’on attaquerait la ville, Richemont serait présent mais n’interviendrait qu’en cas de besoin.
Le lendemain arrivèrent par le fleuve des
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