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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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une solitude totale, au coeur d’un orage ; à chaque pas que faisait son cheval, la voie se resserrait jusqu’à ne laisser place qu’aux sabots de sa monture ; de part et d’autre se creusaient des ravins insondables au fond desquels grouillait un magma monstrueux : fauves, reptiles, vermine... Elle s’était réveillée avec un cri comme le terrain cédait sous ses pas.
     
    Jeanne devait en convenir : on avait manqué l’occasion d’en finir avec les Anglais.
    D’Orléans à Paris, la distance était d’une trentaine de lieues, soit environ trois ou quatre jours de chevauchée : la capitale était à portée de la main. Jeanne avait appris par des négociants qui en revenaient que le bruit de ses faits d’armes et de ses miracles s’était répandu dans toute l’Île-de-France, que la population était disposée à l’accueillir et à lui faire un tapis de cadavres anglais. Cette situation avait rendu le régent méfiant ; il s’était de nouveau replié sur Vincennes.
    À quelques jours de son voyage à Saint-Benoît-sur-Loire, Jeanne était allée trouver Richemont dans son château de Parthenay où il se reposait d’une campagne qui ne lui avait coûté que de la sueur et de la fatigue. Il l’accueillit sans aménité, la traita en quémandeuse. Quand elle lui eut fait part de son désarroi à la suite de sa rencontre avec le dauphin, il haussa les épaules et lui dit :
    – Je te croyais moins naïve. Quand te rendras-tu compte de cette évidence : ce pauvre Charles n’existe pas ! En toutes choses, il en passe par la volonté de ses ministres, et tu sais auxquels je pense...
    Il lui avoua qu’il avait mûri deux projets qui avaient échoué : éliminer La Trémoille par les moyens les plus ordinaires (Jeanne savait lesquels) et enlever la Pucelle pour l’arracher à l’influence de la cour. Le manque de circonstances favorables et de moyens s’y était opposé.
    – M’enlever ! s’exclama Jeanne. Pour quelles raisons, dans quel but ?
    – Tu n’en as jamais rien su, mais, durant des jours, à Loches notamment, je ne te perdais pas de vue, prêt à me jeter sur toi. Idée folle, j’en conviens ! Ces motivations me paraissent aujourd’hui absurdes. Je voulais tenter de te convaincre qu’il n’y avait rien à attendre de Charles, cette planche pourrie, et moins encore de cette tourbe de conseillers qui l’entoure. Je te voulais toute à moi pour t’ouvrir d’autres chemins, te fournir de nouvelles occasions de faire valoir tes dons et, je l’avoue humblement, faire de toi ma compagne. Pardonne-moi : j’étais dans une extrême confusion. Ces déboires, ces humiliations, cette hostilité alors que ma fidélité était toujours acquise au dauphin, tout cela m’a tourné la tête.
    Éberluée, Jeanne observa un long silence. Elle se sentait pareille à ce grand orme qu’elle voyait de la fenêtre, bousculé par une averse mêlée à des souffles violents, qui s’inclinait comme s’il allait être déraciné.
    – Je vais m’efforcer, soupira-t-elle, d’oublier cette confidence. Nous avons tous traversé des moments de folie. Je puis comprendre votre désir d’éliminer votre cousin La Trémoille, mais, en nom Dieu, je ne saurais vous pardonner l’autre projet. Faire de moi votre compagne ! Y avez-vous songé sérieusement ? Avez-vous oublié que j’ai voué ma virginité au Seigneur et que, sauf à être forcée, je m’en tiendrai à cette promesse ?
    Elle lui confia son trouble de l’heure présente : l’indifférence que le dauphin lui manifestait, l’incrédulité qu’il semblait témoigner à sa mission, le manque d’entrain qu’il mettait à prendre la route du sacre... Il éclata de rire.
    – Charles, dit-il, se trouve fort bien dans son état de dauphin. Il n’envisage la perspective du sacre que comme le prélude à de nouveaux ennuis, pires que les précédents. Il s’est endormi, bercé par les propos rassurants de ses favoris, et ne souhaite pas qu’on le tire de sa torpeur. Il est persuadé qu’il lui faudra un jour prendre la route de Reims pour assumer son destin royal, mais il souhaite qu’il n’ait pas à se battre. Il se nourrit de chimères et feint d’ignorer que le régent se montrera moins réticent que lui lorsqu’il décidera de faire sacrer le dauphin Henri qui vient d’avoir sept ans...
    Jeanne était d’avis qu’il convenait de brusquer Charles. L’élan donné à l’armée aurait dû le convaincre de poursuivre et

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