Et Dieu donnera la victoire
choix.
Tandis que les Français taillaient à l’envi dans la horde des fuyards, Falstaff et ce qui restait de sa troupe se retiraient vers le nord pour retrouver la route de Paris.
– Jeanne, dit d’Alençon, tes Conseils ne t’avaient pas trompée : l’armée anglaise est défaite. Nous avons dû lui tuer près de mille hommes, et le massacre se poursuit.
– Il n’y a pas de quoi être fier, dit-elle. Y a-t-il eu seulement une bataille ?
– C’est vrai, convint le beau duc : à aucun moment nous n’avons trouvé de véritable résistance.
Selon lui, la défaite anglaise était due à une fausse manoeuvre de Falstaff et à la panique qui l’avait suivie. Il la rassura quant au sort des prisonniers ; elle tint à s’en assurer et, accompagnée de Richemont, parcourut le ravin de la Retrève où l’on achevait de dépouiller les yeomen de leur équipement et de leurs armes. Elle allait pousser plus loin quand le gémissement d’un archer attira son attention. Il portait à la tête une plaie qui saignait.
– Celui-là, dit-elle en descendant de cheval, nous pourrons le sauver.
Elle lui demanda son nom. Il ouvrit grand les yeux, la bouche, et laissa échapper une plainte profonde :
– La sorcière ! Tu es la sorcière...
Sa tête retomba en arrière.
– Il est mort, constata Richemont. Mort de peur.
Jeanne demanda à rencontrer sir John Talbot. Elle le trouva dépoitraillé, hirsute, occupé à dévorer un morceau de tarte. Il lança à sa visiteuse un regard de chien battu et se versa un gobelet de vin. Elle s’assit sur un tronc d’arbre en face de lui.
– Eh bien, dit-elle, voilà que nous nous retrouvons, sir John ! Vous êtes moins fier que devant Orléans. Que ne m’avez-vous écoutée quand je vous conseillais de vous retirer ! Voyez ce qu’il en coûte de mépriser les avis de la Pucelle ! Quand vous vous êtes réveillé ce matin, vous étiez loin de vous douter que, le soir venu, vous seriez entre nos mains !
– Fortune de guerre... bougonna sir John, mais dites-vous que vous n’en avez pas fini avec nous. Nous nous reverrons, Jeanne ! Les pouvoirs d’une sorcière sont limités...
La nuit tombée, des feux s’allumèrent dans les lointains.
– Les Anglais, dit La Hire, se vengent en incendiant des villages avant de partir. À Janville, où ils comptaient rassembler leurs biens avant de quitter la contrée, ils ont trouvé les habitants devant les portes, en armes.
Il ajouta :
– Et maintenant, Jeanne, que te conseillent tes voix ?
– De nous rendre à Orléans. Peut-être y trouverons-nous le dauphin...
Dans l’attente de la visite de Charles, la ville avait pavoisé, organisé des processions, décoré la cathédrale pour une nouvelle messe de Te Deum . Le gouverneur et le trésorier avaient mobilisé les meilleurs cuisiniers de la ville pour un repas de trois cents couverts. La maison de Jacques Boucher regorgeait de présents destinés au dauphin et aux « héros » de la « bataille » de Patay.
Déception : le dauphin tardait à paraître. Le dauphin ne viendrait pas.
On l’attendit trois jours ; on envoya des émissaires à Loches pour s’informer de ses intentions : il était absent. Charles séjournait au château de Sully-sur-Loire, domaine de La Trémoille. Pourquoi Sully ? Surpris et outré par la présence du connétable dans l’armée de d’Alençon, malgré les consignes inspirées par le Gros Georges, Charles avait craint que Richemont ne vînt demander des comptes à son ministre. Il n’irait pas le chercher au château de Sully, trop éloigné de ses bases.
Val de Loire, juin 1429
Jeanne défit les liens, déplia le tissu de soie qui enveloppait le présent de Charlotte et poussa un cri de surprise en portant la main à sa bouche.
– Charlotte, ma chérie, c’est toi qui as...
– C’est moi, dit fièrement la gamine. Je veux que tu ne te sépares jamais de ce coussinet que j’ai brodé de mes mains, que tu y poses ta tête chaque nuit. Ce personnage, c’est toi. Tu te reconnais, n’est-ce pas ?
– Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau. Jamais !
Elle embrassa Charlotte, l’entraîna à travers la ville qui s’apprêtait pour la visite du dauphin ; elles visitèrent un dépôt de mendicité, distribuèrent des aumônes. Jeanne se plaisait dans la compagnie des humbles et des miséreux, des enfants surtout : leur innocence la consolait de la cautèle, des mensonges, de la cruauté des adultes ; elle prenait à
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