Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
Vom Netzwerk:
brillant. Une réputation de faux-monnayeur, d’usurier, de concussionnaire...
    Richemont sentit qu’il naviguait sur une mer dangereuse. S’en prendre avec autant de rudesse à ce ministre, c’était jeter le discrédit sur sa fille, qu’on appelait la Louvette, dont chacun savait qu’elle était la maîtresse favorite du dauphin.
    – Et quel sort réserveriez-vous à Louvet ? La prison ? la corde ?
    – Je l’exilerais dans ses domaines de Provence.
    – Et que dites-vous de mon premier chambellan, Pierre de Giac ?
    – Premier des brigands, devriez-vous dire ! La beauté du diable et une séduction qui cachent un tempérament d’aventurier et de jouisseur. Pour lui, ce serait la corde.
    Charles sentit une sueur froide humecter ses tempes et la colère lui monter à la gorge comme un flux de bile. Si Richemont ne s’était pas exprimé pour y avoir été invité, il eût appelé les gardes pour le faire reconduire à son escorte. S’il s’était permis une allusion aux amours de la reine Isabeau avec ce ruffian, il l’eût fait jeter dans les caves du Coudray.
    – Je pense, dit-il d’une voix crispée, que vous en avez autant à l’encontre de Tanneguy du Châtel ?
    – Un Breton comme moi, je n’en tire pourtant aucune fierté. Je sais qu’il vous est tout dévoué, qu’il vous a sauvé jadis des Bourguignons, lors des massacres de Paris, mais comment oublier sa responsabilité dans le meurtre du duc Jean sans Peur, à Montereau ? Fidèle comme un chien mais dangereux. Une brute sans cervelle. S’il ne tenait qu’à moi, je le renverrais dans ses terres sans autre forme de procès.
    Du premier médecin Cadart, le dauphin ne souffla mot : cet excellent praticien avait plus d’une corde à son arc, s’était érigé en ministre des menus plaisirs du dauphin et en proxénète. Mieux valait ne pas jeter son nom sur le tapis.
    Pierre Frottier ? Richemont l’exécuta d’une phrase : cet ancien palefrenier qui était entré dans les grâces de son maître par la porte de service méritait le billot. Quant au menu fretin de la cour delphinale, il ne valait guère mieux.
    – Eh bien, soupira Charles, abasourdi, si je vous écoutais, il ne resterait plus grand monde autour de moi. C’est ce qu’on peut appeler une grande lessive. Je dois convenir cependant qu’il y a du vrai dans votre jugement. La reine de Sicile a eu raison de vous recommander à moi. L’épée de connétable vous conviendrait-elle ? J’aurais plaisir à voir le sanglier d’Armor gambader au milieu de ma cour, mais il faudra accepter qu’on lui lime les canines et qu’on lui mette une muselière. Acceptez-vous ?
    – J’accepte de grand coeur l’épée, monseigneur. Quant aux canines et à la muselière, je demande à réfléchir.
    L’intronisation du nouveau connétable se déroula peu après, en présence de la cour, à Chinon, dans une prairie des bords de la Vienne. Richemont, raide comme la justice, visage de marbre, reçut l’épée des mains du dauphin et prêta le serment traditionnel :
    – Par le Dieu Créateur, par la Foi et la Loi, sur mon honneur, je jure de vous servir sans rien épargner, jusqu’à la mort inclusivement...
    Charles but ces propos comme un nectar. Grâce à sa bonne mère, il avait enfin découvert l’homme qu’il lui fallait.

4
    L’exil à Neufchâteau

Domrémy, été 1427
    Lorsque les filles allaient, le dimanche, jouer au Bois-Chenu, elles voyaient parfois arriver à cheval le fils aîné du seigneur de Bourlemont, propriétaire de la forêt et de quelques arpents de vigne. Il descendait de sa selle lentement, comme s’il craignait de faire une chute. Il donnait, lorsqu’on l’observait de près, une impression de fragilité extrême, avec son visage mince, son corps fluet et sa peau translucide. Il s’agenouillait sur la margelle de la fontaine, se signait, se recueillait et, dans une timbale qu’il portait à sa ceinture, buvait à petites gorgées l’eau qu’il puisait. Parfois il s’asseyait, le dos contre un arbre en suçant une herbe et, sans jamais se mêler à elles ni leur adresser la parole, les regardait jouer.
    – Paraît qu’il a les fièvres, disait Hauviette. C’est pourquoi il vient boire cette eau : elle pourrait le guérir.
    – Le curé, ajoutait Mengette, dit qu’il n’a plus pour longtemps à vivre. Faut dire qu’il a l’air mal en point. Jeannette, qu’est-ce que tu en penses ? Il ferait un drôle d’amoureux...
    De tout le temps qu’il

Weitere Kostenlose Bücher