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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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d’ailleurs : elles commencent à tirer la langue...

Bourges, 1422-1423
    Si Charles avait espéré que les Anglo-Bourguignons, après la mort des deux souverains, lui laisseraient un temps de répit qui lui eût permis de mûrir un plan pour reconquérir son héritage, il en aurait été pour ses frais. Quant à ses adversaires, s’ils avaient pensé que le soi-disant dauphin se contenterait de nourrir des chimères sans rien entreprendre, ils auraient dû déchanter.
    Renié par sa mère, déshérité par le Conseil royal, tenu par tous pour un fantoche, Charles décida de prendre le taureau par les cornes et de se faire proclamer roi... à Bourges. Le régent Bedford, les duc de Bourgogne et de Bretagne, sa mère elle-même, durent se gausser : Charles, roi de Bourges...
    Le jeune souverain avait dans son jeu des atouts solides : l’amitié agissante du roi d’Écosse, John Stuart, ennemi irréconciliable des Anglais, l’appui moral du duc de Milan, et surtout les immenses territoires composant son apanage au sud de la Loire, l’Aquitaine anglaise exceptée. S’y ajoutaient trois enclaves : le Barrois, le Tournaisis et cette citadelle inviolable, le Mont-Saint-Michel.
    Charles se mit dans l’idée qu’il fallait attaquer l’ennemi au coeur tandis qu’il prenait le chemin de Toulouse. Il envoya à Cravant-sur-l’Yonne une armée principalement composée d’Écossais, qui se fit rudement étriller et laissa trois mille cadavres dans les fossés. En revanche, il écrasa les Godons en Normandie, entre Laval et Vitré, à La Gravelle. La victoire semblait sourire au dauphin ; elle chanta de nouveau à ses oreilles lorsqu’il apprit qu’un célèbre capitaine de routiers, La Hire, venait de prendre Compiègne aux Anglais. À ces succès s’ajoutait une satisfaction : Bedford et Philippe de Bourgogne se battaient froid, le premier montrant des exigences insupportables pour le second. Dans la coulisse, Madame Yolande jetait de l’huile sur le feu.
     
    Lorsque Charles se penchait sur le berceau pour contempler le nourrisson endormi, il lui semblait voir, derrière le voile de gaze qui le protégeait des mouches, se lever un joli soleil rose. Pour malingre qu’il fût, Louis ne suscitait guère d’inquiétude. Charles ne le voyait que trop rarement à son gré. Il eût aimé s’en faire accompagner au cours de ses errances de ville en château, mais Marie et Madame Yolande s’y opposaient : trop d’incertitudes, trop de dangers.
    Charles se consolait dans les bras de Louvette ou de sa nouvelle favorite : Jeanne de Bothéon, qui était aussi rose et grasse que l’autre était pâle et maigrichonne.
    Profitant d’une ère de calme, Madame Yolande ayant obtenu une trêve entre son gendre et Philippe le Bon, Charles effectua un pèlerinage à Notre-Dame-du-Puy. Il pria durant quelques heures de nuit devant la Vierge noire, distribua quelques dons au chapitre et aux moines, et sentit, en quittant la ville, les parcelles de foi qui tournoyaient en lui scintiller comme un champ d’étoiles. Quelques semaines plus tard, il retrouvait son cabinet de Bourges avec autant de plaisir que s’il reprenait place à un banc de galère.
     
    Sa visite à la Vierge noire l’avait réconforté et lui avait donné le goût de nouvelles entreprises. L’ennemi choqué par ses revers, Charles décida de mettre à profit ces dispositions pour mener une nouvelle offensive en direction de la Normandie. Le moment lui paraissait favorable, cette province rebelle acceptant mal l’occupation anglaise.
    Il réunit à Blois une armée composite : Français, Écossais, Lombards, Aragonais, forte de quatorze mille hommes mais difficile à maîtriser du fait des disparités nationales. L’armée anglaise qui se portait à sa rencontre était commandée par un chef prestigieux : le régent en personne ; elle était moins importante mais plus disciplinée. En quelques heures elle mettait l’armée de Charles en déroute.
    Lorsque, quelques jours plus tard, le dauphin apprit la nouvelle du désastre, il se dit que rien ne lui serait épargné. Tandis que l’émissaire du duc d’Aumale tué au combat lui racontait les péripéties du drame, un mot qu’il tentait vainement de chasser comme une musique importune et obsédante bourdonnait à ses oreilles. Un mot de trois syllabes : A - ZIN - COURT .
     
    L’homme qui se tenait devant le dauphin, dans le grand logis de Chinon, ce jour de mars où une pluie froide noyait la vallée

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