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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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aurais tort de le mésestimer. Si vous tentiez la moindre résistance, vous seriez massacrés sans pitié. Alors le mieux que vous ayez à faire, c’est de tirer au large, de vous replier sur Neufchâteau en emportant tout ce que vous pourrez. Vergy fera peut-être brûler vos maisons et votre église, mais mieux vaut que vous ne soyez pas dedans.
    Josef se chargea d’aller prévenir les voisins et de leur faire la leçon en les priant de hâter leurs préparatifs : l’ennemi arriverait en vue des deux villages dans moins d’une semaine.
    La caravane se regroupa devant l’église. Chaque famille avait entassé sur des charrettes, des chariots, des brouettes, le mobilier, les vivres, la volaille, les vieux et les infirmes. Les troupeaux suivraient à l’extrémité du cortège. Malgré l’insistance de la Curée, l’abbé Minet avait refusé de quitter sa cure. De tout le temps qu’il put apercevoir la fin de la caravane, il resta à genoux au milieu de la voyère à dire son chapelet.
     
    En attendant mieux, la famille de Jacques fut contrainte de camper sur une place de Neufchâteau, dans la charrette bâchée, Guillemette et la marmaille sous le tablier ; des piquets fichés en terre et reliés par une corde limitaient ce domaine provisoire.
    Par chance, la température était clémente et le soleil généreux. Jacques et sa famille n’étaient pas seuls ; la place grouillait comme un caravansérail, avec des allures et des odeurs de champ de foire. Les emplacements devenaient rares et chers, des familles rappliquant chaque jour, si bien qu’il fallut leur trouver place sur la colline, autour de la citadelle, de l’église et du moutier.
    Chaque matin, Josef se livrait à une inspection des nouveaux réfugiés. Il ne se présentait jamais au campement de Jacques les mains vides : c’était une miche de pain par-ci, un paquet de tripes par-là, des friandises au miel pour les enfants. Il n’apportait guère de nouvelles de Domrémy, car les patrouilles entre Vaucouleurs et Neufchâteau se gardaient d’approcher de trop près les villages occupés par l’ennemi, mais on pouvait suivre la progression de la troupe aux fumées qui montaient sur l’horizon. Josef avait appris que l’église de Domrémy avait été incendiée mais que le curé et sa gouvernante avaient la vie sauve ; il se garda d’en parler à Jacques.
     
    Le père dit un jour à Jeannette :
    – Je suis allé boire une bière tout à l’heure avec Guillemet de Greux, en face, à l’auberge de la Rousse. Il y a tant de monde avec ces gens qui arrivent de partout que la patronne n’y tient plus. Si tu pouvais lui donner un coup de main, ça nous ferait quelques sous et une bouche de moins à nourrir.
    La Rousse était une forte femme presque impotente en raison de ses accès de goutte mais qui dirigeait son personnel à la baguette et avait l’oeil à tout.
    – Toi, petite, dit-elle en examinant Jeannette, tu me plais. Cette carrure, nom de Dieu !... Comme moi quand j’avais ton âge.
    – Madame, dit Jeannette, il n’est pas bien de jurer le saint nom de Dieu. Notre curé nous l’a interdit.
    La Rousse s’esclaffa : cette gamine qui lui donnait des leçons...
    – Ton curé, dit-elle, je le connais pas. Je suis ici chez moi et je peux jurer par Dieu, le Christ, la Vierge ou saint Michel !
    – Non, madame, je vous en conjure : pas par saint Michel !
    La Rousse trouvait que cette pucelle y allait un peu fort. Après tout, saint Michel était un saint comme les autres et elle était libre de jurer de par qui elle voulait.
    – Garde tes leçons pour d’autres ! bougonna-t-elle. Au travail, ma fille !
    Jeannette devait aller traire du vin aux tonnelets posés sur des tins, contre le mur fleuri de peintures maladroites, faire la vaisselle, tuer et plumer la volaille, tourner la broche, écosser les pois et les fèves, balayer lorsque le dernier client était parti.
    – C’est bien, dit la Rousse après quelques jours, je suis contente de toi et je vais te donner du galon : tu vas passer au service, mais là, gare ! pas de familiarités avec la clientèle. Je t’ai à l’oeil et ton père aussi.
    Loin de ses terres et de sa maison, désoeuvré, Jacques avait contracté de mauvaises habitudes : quand il ne se rendait pas à la salle de garde pour parler avec les soldats et boire leur vin, on le trouvait à l’auberge de la Rousse, attablé devant une cruche. Lorsqu’il rentrait ivre et que Zabelle lui reprochait son

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