Et Dieu donnera la victoire
ardus... Une femme voudrait que tu la conseilles au sujet de son mari qui la trompe... Tu deviens célèbre à travers tout le royaume, Jeanne !
– Faites répondre à ces gens, monseigneur, qu’ils ont frappé à la mauvaise porte.
Elle apprit avec joie que des volontaires se présentaient nombreux pour participer à l’expédition de la Loire que le dauphin s’était enfin décidé à entreprendre sur l’insistance de Dunois et de Madame Yolande. Cela posait des problèmes en apparence insolubles : l’argent, toujours l’argent...
Jeanne se montra plus sensible à un autre courrier émanant de dame Jeanne de Laval, la deuxième épouse et veuve du connétable Bertrand du Guesclin : elle demandait à la Pucelle de lui adresser un objet qui lui appartînt en propre. Jeanne découvrit dans son coffret un anneau d’or, présent de la confrérie des mégissiers d’Orléans, et le fit parvenir à la dame avec ses compliments.
– Jeanne, dit le dauphin, il faut t’apprêter à partir sans retard pour Selles-en-Berry, près de Romorantin. C’est là qu’a lieu le rassemblement de notre armée.
Elle trouva la petite ville bouleversée et agitée comme par le passage d’une tornade. Les routes pour y parvenir étaient encombrées par des charrois de vivres et de munitions, par des compagnies armées de plus ou moins bonne apparence, qui la saluaient au passage de propos aimables ou salaces auxquels elle répondait sur le même ton, ce qui mettait en joie le Bâtard.
Comme elle arrivait à Selles à l’heure des vêpres, son premier soin fut d’aller entendre la messe, prier à l’abbaye des Feuillants et faire sonner la cloche pour inviter les moines mendiants mêlés aux hommes d’armes à chanter avec elle une antienne à la Vierge Marie. On lui affecta un logement dans le château des ducs de Béthune.
Le lendemain matin, alors qu’elle s’apprêtait à convoquer les capitaines dont certains lui étaient inconnus, elle aperçut dans la cour l’intendant de sa maison, Jean d’Aulon, qui avait suivi son train depuis Chinon et qu’elle n’avait pas revu depuis Orléans où il avait souhaité séjourner quelque temps pour une affaire de sentiment. Il était en train de tailler avec son couteau dans un quignon de pain frotté d’ail.
– Vous voilà de nouveau chef d’armée, dit-il. Vos Conseils doivent être ravis de l’honneur qui vous est fait. Vous ont-ils présenté leurs compliments ?
– Il me suffit de savoir que je leur ai obéi et que je ne les ai pas offensés.
– Si j’osais, dit-il. Si j’osais, je vous demanderais de me les montrer.
Elle lui tourna le dos, s’éloigna de quelques pas, lui fit face de nouveau, sensible au ton ironique qui accompagnait ces propos.
– Mon pauvre Jean, dit-elle, tu n’es ni assez digne ni assez vertueux pour que mes Conseils daignent s’intéresser à ta petite personne.
Il répliqua, sans se démonter :
– Souvenez-vous, Jeanne, si vous connaissez les Écritures, que le prophète Élisée ne put jamais approcher ni voir les anges qui visitaient son domestique !
Comme Pollux avait été amené par Louis de Coutes chez le maréchal-ferrant du château, on proposa à Jeanne un splendide coursier couleur de nuit afin de lui permettre de se rendre au bourg voisin de Saint-Aignan où venaient d’arriver des contingents des environs de Bourges. Elle tenta de le monter sans parvenir à le maîtriser : il faisait tête violemment, tournait, virait sur lui-même comme si quelque frelon venait de le piquer aux naseaux. Elle mit pied à terre et fit conduire l’animal rétif au pied de la croix dressée près du châtelet. Elle monta sans peine sur la selle, le sentit sous elle frémissant de colère ou de terreur, lui parla à l’oreille et soudain, alors qu’on s’attendait à la voir vider les arçons, elle fit évoluer sa monture au milieu de la cour et poussa un petit trot jusqu’au jardin, avec autant de facilité que dans un manège.
– On ne va pas manquer, dit-elle à Dunois, de faire passer cette simple séance de dressage pour un nouveau miracle. Je sais parler aux chevaux et m’en faire aimer. Il n’y a pas de chevaux vicieux ; il n’y a que de mauvais cavaliers...
Une chose paraissait certaine : on n’allait pas tarder à se mettre en campagne. Une autre l’était moins : vers quelle destination allait-on se diriger ?
Jeanne, au mépris de la simple logique, tenait à son idée initiale : marcher sur
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