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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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qu’il prenne garde à ce que les subsides qu’il tire de ses bonnes villes ne passent pas dans la bourse de ces coquins qui se prétendent ses ministres. Quant à moi, si je juge bon d’ouvrir ma bourse, je n’hésiterai pas...
     
    Jeanne se rendit, en compagnie de Madame Yolande, à l’abbaye de Marmoutier, à moins d’une lieue de la ville, pour s’y recueillir. Elles distribuèrent des aumônes, allèrent prier dans la crypte et respirer les roses du cloître.
    – Voilà dix jours que je suis arrivée à Tours, dit Jeanne, et le dauphin n’a pas daigné me donner de ses nouvelles. Lorsque, par hasard, nous nous croisons et que je lui demande où en sont les préparatifs de la campagne, il me répond : « J’y pense, Jeanne, j’y pense... »
    – Il finira par vous entendre et vous donner satisfaction, dit Madame Yolande. Il ne peut en être autrement.
     
    Lorsque Jeanne frappa à la porte du cabinet de travail du dauphin, il fit répondre qu’il était à son Conseil et qu’elle revienne plus tard. Lorsqu’elle se présenta de nouveau, on lui apprit qu’il était allé se recueillir en l’église Saint-Grégoire et ne voulait pas être dérangé. Elle revint après dîner pour s’entendre dire qu’il était parti pour la chasse. Un autre jour, l’huissier lui annonça que le dauphin tenait audience avec ses ministres. Elle écarta le bonhomme, s’engouffra dans la salle de réunion. Charles pâlit et se dressa lentement en la voyant surgir et se planter devant lui, bras croisés, pas décidée, semblait-il, à s’en laisser conter.
    – Eh bien, Jeanne, dit-il, que désires-tu ? Nous étions en train de délibérer d’affaires importantes et...
    – Monseigneur, il n’y a qu’une affaire importante à l’heure présente : prendre la route de Reims. Je suis venue vous rappeler votre promesse.
    Charles se gratta la joue et répondit, d’une voix embarrassée :
    – Reims... Oui, Reims, naturellement... Il faudra bien que nous prenions une décision.
    – J’attends vos ordres, monseigneur.
    – Tu seras la première informée.
    Un personnage qu’elle ne se souvenait pas avoir rencontré parmi les proches du dauphin se leva et se dirigea vers elle. Il n’avait rien de militaire dans son allure et ses vêtements, et faisait plutôt figure d’homme de cabinet.
    – Messire Christophe d’Harcourt, un de mes bons conseillers, dit le dauphin. Vous vouliez, il me semble, être confronté à notre petit prodige. Eh bien, vous l’avez devant vous !
    Le conseiller se mit à tourner autour d’elle.
    – J’ai appris qu’avant d’agir vous preniez avis de vos Conseils. Voulez-vous me dire de quelle manière s’expriment ces voix ?
    Jeanne rougit, consulta le dauphin du regard.
    – Eh bien, fit-il, qu’avez-vous à répondre ? Parlez librement.
    Les autres conseillers, Robert Le Maçon, seigneur de Trêves, Gérard Machet, évêque de Castres, confesseur du dauphin, le Bâtard d’Orléans, échangèrent un regard amusé. D’un signe de tête, Dunois l’encouragea à répondre hardiment.
    – Il m’arrive souvent, dit-elle, d’être peinée que l’on puisse douter de ma mission. Il ne me reste alors qu’un recours : m’adresser à mon Dieu, que j’appelle « Messire ». Je me réfugie dans la solitude, et c’est alors que j’entends une voix qui me dit : « Va, Fille Dieu, va ! Je veille sur toi ! » J’en ai une telle joie qu’il me plairait que de tels moments se prolongent et ne finissent jamais. Cela me donne la force de poursuivre dans la voie qui m’a été tracée.
    – Vraiment... Vraiment... balbutia le conseiller. À vrai dire, je... Comment trouver les mots pour...?
    Dunois adressa un sourire à Jeanne : il entendait lui faire comprendre que messire d’Harcourt, qui venait de se rasseoir, était sinon convaincu, du moins troublé.
    Il la rejoignit dans la cour au moment où elle remontait à cheval.
    – Jeanne, dit-il, quelque chose me tracasse. Lorsque tu parlais à messire d’Harcourt, ta voix avait changé, tu levais les yeux au plafond, tu paraissais en extase. Était-ce un tour de magie où étais-tu sincèrement détachée de ce monde ?
    Elle lui adressa un regard complice en mettant le pied à l’étrier.
    – Les renards, dit-elle, ne connaissent qu’un langage : celui des renards. C’est ce que me disait mon père...
     
    À quelques jours de là, alors qu’elle effectuait une promenade en barque jusqu’au confluent de la Loire et du Cher sous la

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