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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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regarder du côté de Thomas. Mais plus vraisemblablement, elle venait du père, cet officier tout juste entrevu au moment des festivités du tricentenaire.
    — Je ne veux pas vous chasser, déclara-t-il après une pause, mais si je veux régler quelques dossiers avant de rentrer à la maison...
    — Bien sûr, dit le visiteur en se levant précipitamment.
    J’ai déjà pris trop de votre temps.
    Lorsqu’il reconduisit Fulgence à la porte de son bureau, Edouard lui mit la main sur l’épaule.
    — Je sais combien vous êtes attaché à ces ateliers, mais croyez-moi, j’agis pour le bien de l’entreprise.
    — Vous avez sans doute raison, monsieur.
    — Alors, ne faites plus réparer les machines à coudre.
    Chaque bris vous permettra de réduire le personnel.
    Espérons juste qu’elles résisteront en assez grand nombre pour compléter les commandes. Il est maintenant trop tard pour nous adresser ailleurs, il faut les terminer. Le 1er septembre, il ne restera plus personne là-bas, et vous, vous viendrez ici. Ce matin-là, vous serez derrière le comptoir de la tabagie et vous tiendrez à l’œil les employés qui en dépendent.
    La date était tombée. A ce moment, souhaitait le marchand, la bâtisse
    et
    le
    terrain
    de
    la
    Pointe-aux-Lièvres
    auraient changé de main.

    Chapitre 3

    Les deux derniers matins, Jacques Létourneau avait fait faux bond à Germaine. La jeune femme avait dû marcher seule en direction du magasin PICARD. Puis, le samedi, il lui réserva une petite surprise. A six heures, le jeune homme se tint à la porte principale du commerce lorsque les employées sortirent. Il la vit en grande conversation avec deux collègues.
    — Mademoiselle Huot, quel plaisir de vous revoir !
    La voix paraissait un peu moqueuse. Le trio de jeunes femmes se consulta du regard, puis l’une d’entre elles dit:
    — Bonne soirée, Germaine, nous nous retrouvons lundi...
    — Je ne vous chasse pas, j’espère ? demanda le nouveau venu.
    — Non, non, nous devons rentrer à la maison.
    Les deux vendeuses tournèrent les talons pour se diriger vers l’ouest de la rue Saint-Joseph. Jacques les regarda s’éloigner.
    — Je ne vous ai pas vu hier, ni ce matin, dit sa compagne d’une voix déçue.
    Depuis une semaine, le garçon la mettait à l’épreuve. Si les premiers matins, il l’avait attendue au coin de la 3e Rue et de la 3e Avenue, ensuite, il avait brillé par son absence.
    — Parfois je pars un peu plus tôt, parfois un peu plus tard.

    Au cours des dernières années, il avait appris qu’une trop grande assiduité amenait ces jeunes filles à le tenir pour acquis. Afficher une certaine indépendance les conduisait à consentir de petits efforts pour le retenir. Ces petits efforts constituaient ses menus plaisirs.
    — Mais ce soir, puis-je marcher avec vous ? demanda-t-il avec son meilleur sourire.
    — Oui, bien sûr.
    Son empressement à lui répondre contenait déjà une petite promesse. Lui offrir son bras, surtout dans cette rue achalandée, parut prématuré à son compagnon. Celle-là ne s’enfermerait pas avec lui dans un vieux hangar avant de nombreuses semaines. D’ailleurs, si quelqu’un lui faisait cette proposition, elle répondrait «Jamais ! » de la voix la plus assurée. Avant les grands froids, il s’attendait tout de même à la voir renoncer à certains de ses engagements d’Enfant de Marie.
    — Comment se fait-il que je vous trouve ici ce soir ?
    questionna-t-elle pour rompre le silence. Vous me disiez terminer toujours après six heures, la dernière fois que je vous ai vu.
    Elle parlait du jeudi matin précédent.
    — Le directeur du service s’arrange toujours pour nous voler un peu de temps en plaçant les destinations les plus éloignées en après-midi. Mais le bonhomme doit cacher une âme charitable, car il ne nous fait pas le coup le samedi.
    — C’est un peu comme pour nous. Le chef de rayon nous épargne les corvées de rangement ce jour-là. Les patrons sont sans doute pressés de rejoindre leur famille pour le souper, eux aussi.
    Evoquer la sensibilité des grands de ce monde parut l’inciter à la réflexion. Elle ne reprit la parole que dans la rue du Pont.
    Comment avez-vous trouvé votre semaine ?
    — Ereintante. La prochaine sera plus facile. La dernière, en août, représentera une partie de plaisir.
    Son ironie ne la trompa pas. Le salaire lui manquerait sans doute - les hommes de la livraison touchaient un peu plus du double de sa

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