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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dans votre salle d’attente.
    — Aujourd’hui, ce seront plutôt de jeunes mères avec leur poupon.
    L’image d’Amélie lui vint en mémoire. Pour la première fois, elle passerait au cabinet avec sa petite fille.
    — Partez tout de suite, murmura Eugénie en refoulant un sanglot.
    Elle gardait suffisamment de fierté pour s’isoler dans ses moments de plus grand désespoir. Après une dernière caresse sur l’avant-bras de la malade, le médecin récupéra son petit sac en cuir, puis elle s’enfuit. Dans le couloir, tout de suite, elle fut face à face avec garde Murphy.
    — Combien de temps encore ? demanda-t-elle d’emblée.
    — Vous en savez plus que moi. Cela peut aller de quelques jours à quelques mois.
    — Elle s’accroche désespérément.
    Thalie hocha la tête. Durer un peu plus, allonger une existence qui n’offrait que souffrance et désespoir, tout cela lui paraissait navrant.
    — Malgré la douleur, elle refuse parfois les injections, précisa l’infirmière.
    — Je sais, elle me l’a dit. Quand elle sera prête, elle vous demandera.
    L’autre hocha la tête, fit mine de se diriger vers la chambre.
    — Je reviendrai dans quelques jours.
    Sur ces mots, le médecin s’engagea dans l’escalier, reprit sa contenance en arrivant au rez-de-chaussée. Sans façon, elle se rendit dans le bureau du notaire et s’installa sur la chaise des visiteurs.
    — Comment vas-tu ? demanda-t-elle d’entrée de jeu.
    Ils avaient convenu de se tutoyer au cours de l’été, tellement ses visites étaient régulières.
    — C’est une consultation ?
    — Oui, mais gratuite.
    — Ça peut aller. Il n’y a pas de bonne façon de mourir, mais je suis prêt à choisir la même que mon père. As-tu un formulaire où je peux signer pour en faire la demande ?
    Le vieux notaire avait tout simplement oublié de se lever, un matin d’été.
    — Non, malheureusement. Je signerais aussi. Comment les garçons vivent-ils la situation ?
    — Heureusement, ils ont repris l’école depuis trois semaines. Tous les soirs, ils acceptent de passer quelques minutes avec elle. Ils sortent de la chambre tout chavirés.
    — Tu sais, je pourrais leur parler. Dans cette situation, le pire serait de les laisser seuls pour démêler leurs émotions.
    — Je sais.
    Thalie éclata de rire, puis convint en s’apprêtant à se lever :
    — Je deviens prétentieuse. Tu pourrais me faire la leçon sur la façon d’élever des enfants.
    — Tu manques juste d’entraînement. Mais tu saurais.
    Il la raccompagna jusqu’à la porte pour l’aider à mettre son imperméable.
    — Prends soin de toi, dit-elle en sortant.
    D’un pas alerte, elle se dirigea vers le cabinet, attendue par une douzaine de poupons de moins de trois mois, et leurs mères.

    *****
    Octobre avait déjà arraché les feuilles des arbres. De son lit, en inclinant la tête vers la droite, Eugénie voyait le sommet des branches dénudées s’agiter au vent. Maintenant, sa respiration rapide émettait un petit chuintement. Une sueur froide mouillait son visage en permanence. Elle ne pouvait plus se lever pour se rendre aux toilettes ; même la position semi-assise, avec le haut du lit un peu relevé, l’épuisait.
    Une ombre noire se plaça entre ses yeux et le carreau, puis une voix douce murmura :
    — Maintenant, Eugénie, tu ferais mieux de venir avec moi.
    Le stoïcisme du combat solitaire paraissait même émouvoir la Faucheuse.
    — Je peux avoir encore un peu de temps ?
    Gladys Murphy leva la tête de son livre, intriguée par la question murmurée.
    — Pourquoi ? Tout est déjà fini, n’est-ce pas ? Tu le sais toi aussi. Seul ton cœur paraît l’ignorer en s’entêtant encore à battre.
    — Mais ce fut si court !
    Cette fois, l’infirmière ne saisit pas vraiment les mots, mais ils sonnèrent comme un appel à ses oreilles. Elle quitta sa place pour venir poser une fesse sur le bord de la couche, prenant la serviette humide dans un bassin pour lui essuyer doucement le visage. Sa présence éloigna un peu l’ombre noire. Eugénie distingua d’abord l’uniforme bleu, puis le visage agréable.
    — Si vous avez mal, prononça la jolie bouche, je peux vous donner tout de suite votre injection. Il est presque l’heure, de toute façon.
    Dans son coin, la Faucheuse fit un signe affirmatif de la tête, un sourire compatissant sur ses lèvres.
    — Oui, Gladys, cela me soulagera.
    Quand l’aiguille pénétra dans son bras, Eugénie avait

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