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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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auparavant dans sa courte existence, l’enfant s’exécuta avec
    maladresse,
    hésitant
    à
    toucher
    l’ombre d’être humain devant elle. Le garçon fit la même chose ensuite, guère plus sûr de lui, pour reprendre sa place, un air contrit sur le visage.
    — Moi, ce n’est pas nécessaire, plaida Charles depuis sa chaise. Je t’ai vue tous les jours.
    — C’est vrai, reconnut la mère en s’asseyant avec l’aide de son infirmière, tu as été régulier comme une horloge.
    Le cadet ne cacha pas son soulagement. Aller poser ses lèvres sur ces joues pâles ne lui disait rien. Quand Gloria commença le service, elle murmura :
    — Hortense et moi sommes bien heureuses de vous revoir...
    La domestique n’osa pas dire «parmi nous».
    — Je vous remercie, répondit la malade. Tout à l’heure, j’irai parler un peu avec vous deux, à la cuisine.
    Après tant d’émotions, les convives s’attardèrent à leur potage. Ce fut d’une voix à peine audible que madame Dupire ajouta finalement sa contribution.
    — Moi aussi, Eugénie, je suis heureuse que ta santé te permette de te joindre à nous de nouveau.
    Pourtant, la vieille dame lui abandonnait la place au bout de la table avec regret. Cela lui faisait l’impression de redescendre d’un cran dans la hiérarchie familiale.
    — Je dois être quelque chose comme un diamant, rétorqua sa belle-fille. En me faisant rare, je prends de la valeur.
    La boutade amena un sourire sur les lèvres de Fernand.

    Avec ce sens de la répartie, elle n’était pas prête à pousser son dernier soupir.
    — Béatrice, demanda-t-il, Antoine m’a entretenu des vaches laitières cet après-midi, mais tu ne m’as pas encore dit un mot au sujet des chevaux.
    — Ils étaient très beaux.
    — Tu es montée dessus ? demanda Charles, les yeux soupçonneux.
    — Bien sûr, c’était un camp d’équitation.
    Le garçon ne cacha pas son admiration. Non seulement sa sœur avait aussi dormi sous la tente, mais elle était montée sur ces bêtes.
    — Mais tu leur parlais quelle langue ? voulut savoir la grand-mère.
    — ... Français, la plupart du temps. Je crois qu’ils étaient plus bilingues que moi.
    — Tu veux dire trilingues, précisa la vieille dame. Ils devaient aussi parler cheval. Cela fait deux langues de plus que nos concitoyens de langue anglaise, dans cette ville.
    Bien sûr, en disant ça, je fais une exception pour nos amis irlandais.
    Gladys Murphy inclina la tête pour prendre acte de la précision. Même s’ils représentaient la majeure partie de sa clientèle, entendre parler en mal des Anglais ne la troublait guère.
    — Maman, demanda Fernand, lirais-tu Le Devoir en cachette ?
    — Depuis la disparition de l’Evénement, je n’ai guère le choix. Il ne reste plus de journal conservateur dans la ville.
    Si Eugénie ne participa guère à la conversation, elle eut suffisamment d’occasions de sourire pour trouver l’expérience agréable. Vers neuf heures, ce fut portée dans les bras de son mari qu’elle réintégra sa chambre.

    *****
— Grand-maman, tu n’as pas le droit de changer une carte dans ton jeu, déclara Béatrice en fronçant les sourcils.
    On était dimanche, la vie reprenait son cours.
    — Tu es sérieuse ? Il me semble que quand j’étais petite, on avait le droit.
    — Peut-être, mais nous jouons avec les règles de ce siècle-ci.
    La vieille dame laissa échapper un grand soupir, mais remit le morceau de carton dans l’éventail de son jeu.
    Fernand se tenait dans un coin de la pièce réservée à l’usage de sa mère, un journal dans les mains. Les dernières semaines semblaient avoir donné un surcroît de confiance à sa princesse. Il projetait d’écrire une longue lettre de reconnaissance aux Tétreault, et peut-être une autre aux chevaux du camp de vacances.
    Le bruit du heurtoir contre la porte avant de la maison le détourna de ses projets épistolaires. Il se leva avec empressement et déclara en traversant la cuisine :
    — Laissez, Gloria, je vais m’en occuper.
    En ouvrant, il se trouva face à face avec Jacques.
    — ... Monsieur, j’ai téléphoné.
    — Je sais. Monte, elle t’attend.
    Le garçon passa près de lui en longeant le mur, comme s’il craignait de recevoir un coup. A l’étage, il trouva Eugénie vêtue d’une robe, assise dans un fauteuil près de la fenêtre.
    — Je vais vous laisser, dit Gladys en se retirant.
    Un moment, la mère et le fils se regardèrent en silence.
    —

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