Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
invitait à dire un chapelet. A ce rythme, à six heures, elle avait accumulé deux rosaires. Pendant la journée, la plupart des hommes et de nombreuses femmes travaillaient. Après souper, le nombre de visiteurs augmenta sensiblement.
    Le rituel se répétait sans cesse, toujours inchangé. Les nouveaux venus se présentaient devant le cercueil, restaient recueillis quelques minutes, puis se déplaçaient afin de serrer la main des proches. Soucieuse de se ménager, ainsi que son fils, Thérèse avait fait installer les deux fauteuils sur la gauche. Cela leur permettait d’attendre dans un confort relatif.
    — Madame Létourneau, je vous présente mes condoléances, prononça une femme au teint gris et aux cheveux filasse.
    — Je vous remercie...
    La veuve n’arrivait pas à reconnaître le visage, donc elle ne venait pas de la paroisse.
    — Je travaillais à l’atelier, précisa l’inconnue. Je tenais à lui dire un dernier au revoir. Bien sûr, il nous a toutes mises à la porte cet été, mais on savait que la décision ne venait pas de lui.
    — Il a fait son possible pour maintenir la place ouverte, admit la veuve.
    Bien sûr, inutile de préciser qu’en apprenant les efforts du défunt pour réunir de l’argent, elle avait bien vite mis un holà à ces démarches. L’idée d’investir les épargnes du ménage dans l’affaire, de même que la valeur de la maison, la laissait toute remuée. Elle serait dans de beaux draps maintenant, sans cette intervention.
    — Je sais bien, dit la vieille couturière. On parlait de ses efforts dans tous les commerces de la rue Saint-Joseph. Mais l’autre...

    L’ouvrière secoua la tête de dépit. La présence d’un grand crucifix au-dessus du cercueil l’empêchait de révéler le fond de sa pensée. Edouard Picard lui faisait aligner une quantité étonnante de jurons.
    — Allez, bon courage, madame.
    En tendant de nouveau une main sèche, elle offrit ses condoléances au fils du défunt, puis quitta les lieux. Au total, une dizaine d’ouvrières se donnèrent la peine d’une visite, toutes parmi les plus âgées, susceptibles d’avoir connu Fulgence dans la fleur de l’âge à la tête de l’atelier.
    Vers huit heures, une jeune fille fit son entrée, flanquée de ses parents. Après s’être recueillie auprès du cadavre, elle s’inclina devant la veuve et murmura des mots convenus.
    Le fils se donna la peine de se lever à son approche, acceptant la main tendue.
    — Jacques, je pense à vous depuis hier. Comme c’est triste.
    En entendant ces mots, Thérèse tourna un visage sévère vers la jeune Germaine Huot et la soumit sans discrétion à un véritable examen. À la vue de la robe et du chapeau venus de chez PICARD, des gants blancs, un pli marqua son front.
    Un joli brin de fille, capable de détourner son garçon de ses études.
    — Je vous remercie d’être venue, Germaine. C’est très gentil à vous.
    — Vous devez avoir beaucoup de peine... Parfois, je vous voyais le matin marcher ensemble vers le travail. Vous sembliez si bien vous entendre.
    Sa sensibilité toucha le garçon plus qu’il n’aurait voulu.
    — Si vous voulez, nous pourrions passer dans la cuisine un moment.
    La mère allait protester quand un nouveau visiteur entra dans la maison. Très vite, le silence s’imposa parmi la quarantaine de personnes présentes. Le révérend père François marcha tout droit vers la dépouille, hocha la tête comme en réponse à des paroles inaudibles du défunt. Puis il se retourna en disant :
    — Mes amis, nous allons dire un chapelet pour le repos de l’âme de notre frère.
    Les personnes dont les articulations permettaient un pareil exercice se mirent à genoux, les autres baissèrent la tête, recueillies. Jacques et Germaine se retrouvèrent l’un près de l’autre. De son fauteuil - personne ne lui reprocherait de demeurer assise, dans les circonstances - la veuve les contempla, un éclair de colère dans les yeux. Ces deux- là ressemblaient trop à un couple.
    Après les cinquante Je vous salue, Marie, le curé de la paroisse Saint-Charles demeura dans le salon, heureux de passer une heure avec ses paroissiens. La maison contenait maintenant au moins cinquante personnes, et il y en avait tout autant réparties entre la grande galerie en façade et la cour arrière. Germaine s’excusa d’un regard en partant avec ses parents.
    Quand, à dix heures, le saint homme décida de regagner son presbytère, tout le monde

Weitere Kostenlose Bücher