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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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l’étudiant percevait les choses ainsi. Ses longues journées à entendre parler ses maîtres du ciel et de l’enfer obtenaient un résultat contraire à celui recherché.
    — Il détestait tellement l’idée d’occuper cet emploi. Il a trouvé un moyen définitif de se dérober.
    — Il nous a abandonnés, glapit la grosse femme.
    — Je ne crois pas que c’était ce qu’il voulait, répondit Jacques avec un demi-sourire.
    Autrement, cela aurait été payer très cher pour déserter le domicile conjugal. Sauter à bord d’un train pour une destination lointaine se serait montré tout aussi efficace à cet égard.
    — Je me demande comment nous allons nous débrouiller sans lui, se plaignit-elle encore.
    — Ne crains rien, répondit le fils en lui mettant un bras sur les épaules. Nous saurons bien nous tirer d’affaire.
    Au fond de lui-même, le garçon s’inquiétait autant que sa mère. Mentalement, il additionnait le coût de la scolarité d’une dernière année au Petit Séminaire et de quatre autres à la faculté de droit de l’Université Laval.

    *****

    Malgré le désarroi qui l’habitait depuis vingt-quatre heures, Thérèse acceptait de se plier au scénario inéluctable.
    Le lendemain matin au lever, avec l’aide de son fils, elle résolut de déplacer les meubles du salon afin de dégager le mur du fond.
    — Tu comprends, lui répétait-elle, tu ne peux pas retourner à l’école avant les funérailles. Cela ne se fait pas.
    Jamais le garçon n’avait émis le souhait de se dérober à ses obligations filiales. Si la femme en évoquait la possibilité, cela témoignait de son propre désir de se trouver ailleurs.
    — Je le sais, répondit-il avec une pointe d’agacement.
    De toute façon, à la rentrée, il ne se passe jamais grand-chose.
    Ils venaient de déplacer le canapé quand quelques coups sur la porte attirèrent leur attention. La maîtresse de maison alla répondre.
    — Vous pouvez me montrer où nous allons le mettre ?
    demanda l’employé des pompes funèbres quand elle ouvrit.
    Un grand véhicule noir était stationné près du trottoir.
    Elle guida le visiteur dans le salon pour lui désigner l’espace nouvellement dégagé.
    — Il faudrait une table, ou quelque chose comme ça, fit-elle remarquer.
    Le fait d’avoir participé à de nombreuses veillées funèbres n’avait guère familiarisé la veuve avec les aspects pratiques de la chose.
    — Non, ce ne sera pas nécessaire. Nous mettrons deux chevalets et poserons le cercueil directement dessus. Avec une toile noire devant et la couronne de fleurs en plus, ce sera très bien...
    L’homme marqua un temps d’arrêt, un peu gêné, puis il dit encore :

    — L’un de mes employés ne s’est pas présenté ce matin.
    Je suis venu seul, car je me souvenais de la présence de votre grand garçon.
    Des yeux, il désignait Jacques. Celui-ci comprit à demi-mot.
    — C’est bien, je vais vous aider.
    La situation revêtait une certaine ironie. Après un été à transporter des commodes et des buffets, il se trouvait conscrit pour déplacer un autre genre de meuble. Il accompagna le croque-mort
    jusqu’au
    hayon
    du
    véhicule,
    prit
    les
    deux chevalets en faisant un effort pour ne pas poser les yeux sur la longue boîte en chêne.
    Bientôt, les deux triangles de bois se dressaient dans le salon. L’employé posa une planche horizontale dessus, puis étendit la grande toile noire.
    — Bon, nous n’en avons pas fini.
    Cette fois, le garçon dut non seulement voir la bière, mais tenir son bout. Elle ne pesait pas beaucoup plus lourd qu’un petit buffet. Une fois le fardeau posé à sa place, le visiteur sortit un tournevis de sa poche en disant :
    — Va chercher la couronne et le support en métal. Je vais ouvrir.
    De la mère et du fils, le dernier lui paraissait le plus susceptible de tourner de l’œil à la vue du cadavre embaumé.
    Il ouvrit la boîte, redressa le couvercle et s’assura que rien ne risquait de basculer. Puis il s’écarta pour laisser l’épouse s’approcher.
    — Oui, cela lui ressemble, apprécia-t-elle d’une voix posée.
    «Le défunt ne manquera pas tellement à celle-là», songea l’employé des pompes funèbres. A son retour, le garçon se planta un long moment aux côtés de sa mère. Il lui enleva le tribut floral des mains pour le poser à la tête du cercueil.
    — Bon, je vais vous laisser, maintenant.
    — Vous reviendrez... ?
    La question demeura en

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