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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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J'aimerais toutefois attirer votre attention sur deux faits. D'un côté, depuis 1909 les prix ont considérablement monté. Aussi la somme convenue ne couvre pas tout à fait les dépenses engagées. De plus, Jacques commencera à fréquenter l'école des Frères des écoles chrétiennes en septembre.
    Il conviendrait en conséquence d'augmenter le montant, afin de respecter l'esprit du contrat passé avec le bienfaiteur.

    Ces mots, sauf le dernier, témoignaient de la prudence d’un père réclamant à son notaire une part plus grande de son placement pour mieux affronter les dépenses consenties pour subvenir à l’entretien d’un fils. Sauf le dernier ! Un bienfaiteur, c’était une personne qui contribuait, par une obole, à la dépense du ménage.
    D’un autre côté, cela paraissait tellement étrange que Jacques n’arrivait pas à croire à ses propres conclusions. De plus en plus troublé, il ouvrit les enveloppes une à une pour en découvrir le contenu. Les répliques de son père donnaient le compte rendu de ses succès scolaires par le menu, évoquaient sa taille, son poids, et même ses maladies d’enfant. Le tout trahissait la plus grande fierté, mais aussi un désir de voir son correspondant augmenter la contribution financière d’une tierce personne.
    Si Fulgence se montrait de plus en plus bavard, le notaire s’en tenait toujours à la même chose : annoncer la venue du chèque. Tout au plus signalait-il parfois une augmentation de la contribution. La dernière missive, celle-là datée du 1er avril 1927, différait toutefois des autres: Monsieur Létourneau,
    Votre fils a célébré depuis peu ses dix-huit ans. En conséquence, le contrat vous liant au bienfaiteur arrive à terme. Vous recevez donc aujourd'hui un dernier chèque. Je me suis moi-même enquis de son désir de continuer de verser une contribution. Il m'a assuré vouloir s'arrêter là et s'en tenir à l'entente librement consentie en 1909.
    Dans les circonstances, cher monsieur, je vous souhaite, à vous, à votre épouse et à votre fils, la meilleure des chances, de ma part et de celle du bienfaiteur. Il serait tout à fait inutile de revenir à la charge pour obtenir de l'argent supplémentaire.

    Cette fois, Fulgence avait mis plus de temps à répondre.
    Si sa répartie ne contenait pas à proprement parler une supplique pour obtenir encore ce soutien, il insistait à la fois sur les bonnes notes de son garçon et le coût des études universitaires. Comme il n’y avait aucune autre lettre, le correspondant s’en était tenu à son annonce. Le notaire, ou alors le bienfaiteur? Spontanément, le garçon tendait à croire qu’il s’agissait d’une seule et même personne.
    — Mais de quoi s’agit-il, exactement? ragea-t-il.
    L’esprit en révolte, son premier désir fut de monter tout de suite dans la chambre de ses parents, puis de secouer sa mère pour la sortir de son sommeil et la forcer à lui révéler toute cette histoire.
    D’un autre côté, se trouvait-il prêt à l’entendre? Le sentiment de toucher à un mystère sur sa propre existence le laissait désemparé. Une explication toute simple lui rongeait l’esprit, comme un ver dans une pomme. Mais il se refusait encore à l’envisager.

    A la fin, prudemment, il remit les lettres dans l’une des boîtes et décida de les monter à l’étage. L’escalier débouchait sur un
    couloir.
    De

part
et
    d’autre
    de
    celui-ci,
    on
    trouvait les chambres, au nombre de trois. La plus grande, en façade, servait aux parents. Le garçon en occupait une, l’autre servait de pièce de travail à son père.
    Bientôt, les cinq petites boîtes en carton furent sous son lit. Au cours des soirées de la prochaine semaine, il en examinerait soigneusement le contenu, pour le détruire la plupart du temps, quand il ne s’agissait que de souvenirs de la carrière paternelle ou de la vie de famille. Finalement, il ne resterait qu’une liasse assez modeste de documents.
    En se couchant ce soir-là, Jacques demeura un long moment immobile, les yeux grands ouverts dans l’obscurité.
    Puis il se releva prestement en murmurant :
    — Si je laisse ça sous mon lit, elle va les faire disparaître.
    Bientôt, à quatre pattes, il chercha l’une des lattes du plancher mal clouée à une extrémité, pour la soulever juste assez pour glisser le lot de lettres. En compagnie de quelques dizaines
    de
    photographies
    pornographiques
    achetées
    dans une taverne au cours de

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