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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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donnaient une allure sérieuse, un peu austère même. Le visiteur occupa un siège généreusement capitonné, tandis que son hôte regagna le sien derrière son bureau.
    — Votre coup de téléphone m’a beaucoup surpris, commença le notaire. Je ne crois pas vous connaître.
    — Pourtant, vous avez envoyé à mon père cette lettre l’an dernier. Il y en a une quarantaine d’autres, à peu près toutes semblables, mais différentes de celle-ci. Certaines sont signées par un autre monsieur Dupire, mais celles des huit dernières années sont de vous.
    Le jeune garçon vêtu de son uniforme scolaire ne s’en laissait pas imposer par la majesté du lieu ou l’étrangeté de la situation. Fernand ne détachait pas son regard de la longue silhouette et du visage de dieu germanique. Il retrouvait quelques points communs avec Eugénie. Mais pour quelqu’un ignorant le lien de parenté, la ressemblance passerait inaperçue.
    En parlant, Jacques avait sorti une enveloppe de la poche intérieure de sa jaquette. Un instant plus tard, il posait la lettre sur le sous-main, juste sous les yeux du notaire.
    — Ah! fit celui-ci en feignant de comprendre enfin.
    Vous êtes le fils de Fulgence Létourneau.
    — C’est bien moi. Mon père vous a d’ailleurs tenu informé de pans entiers de mon existence, comme en témoigne sa réponse à votre dernière missive.
    En disant ces mots, il déposa la copie de celle-ci sur le premier document. L’autre hocha la tête.
    — Oui, je vois. Que puis-je faire pour vous ?
    L’homme avait craint ce genre de rencontre en apprenant le décès du directeur des ateliers dans la rubrique nécrologique des journaux. Il cherchait la meilleure contenance à adopter.
    — Simplement me dire ce que signifie ce long échange de correspondance.
    — Je crains que cela ne soit pas possible. Je suis tenu par le secret professionnel. Toutefois, si votre père...
    — Mon père est mort !
    Cette fois, une colère sourde avait teinté la voix. Fernand choisit de jouer l’ignorance.
    — Je vous offre mes plus sincères condoléances.
    Jacques serra les mains sur les accoudoirs de son fauteuil au point de se faire mal aux jointures.
    — Que veulent dire ces lettres ?
    — Votre père affirmait que vous songiez à vous inscrire à la Faculté de droit. Vous avez donc sans doute une bonne idée de la nature du secret professionnel. Cela ressemble à celui de la confession. A la lecture de la correspondance, vous savez déjà qu’un contrat existait entre votre père et une autre personne, en vertu duquel mon père devait verser une somme d’argent trois fois l’an. A la retraite de mon père, j’ai pris le relais.
    — Ces versements devaient se poursuivre de ma naissance à mon dix-huitième anniversaire, si j’ai bien compris.
    — Vous êtes en droit de conclure cela de la correspondance.
    Le visiteur souhaitait abreuver son interlocuteur d’insultes, ce qui
    risquait
    peu
    de
    rendre
    ce
    gros
    personnage
    débonnaire plus loquace.
    — C’est de moi dont il est question dans ces lettres, de ma vie, jeta le garçon en élevant le ton.
    — Je ne le nie pas, mais cela ne change rien à l’affaire.
    Deux personnes ont signé un contrat dans ce bureau, il y aura bientôt vingt ans. Une entente confidentielle. Je ne vous en dévoilerai pas le contenu.
    — L’une de ces personnes était mon père, clama le jeune homme.
    — La parenté n’y change rien. Je ne révélerai pas les transactions du père au fils, pas plus que je ne révélerais celles du fils au père. Seuls les signataires de ce contrat peuvent choisir de se confier.
    Fernand gardait ses yeux rivés sur ceux de son vis-à-vis, comme s’il essayait de le jauger. Il devinait une volonté farouche, et surtout l’habitude de voir les autres céder devant celle-ci. «Aujourd’hui, tu seras déçu, mon bonhomme», songea-t-il.
    — Mon père est mort, il ne peut plus me donner d’explications.

    — Je suis désolé de ce décès, je vous l’ai dit tout à l’heure.
    — Alors, donnez-moi le nom de l’autre signataire du contrat.
    — Cela tombe sous le coup du secret professionnel.
    Sous l’effet de la colère, le rouge montait maintenant aux joues du garçon. Il arriva avec peine à se maîtriser.
    — Je vais donc vous dire ce que je conclus : une personne a accepté de verser un montant à mes parents depuis ma naissance jusqu’à mes dix-huit ans. Elle a accepté certaines augmentations afin de bien couvrir le coût

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