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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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donner suite à votre requête, puisque vous, votre époux et votre fils ne figurez plus dans la liste de nos clients depuis quelques semaines. En effet, jamais nous n’avons reçu de réponse à notre lettre du dixième jour de juillet dernier, ni de paiement pour la facture qui raccompagnait.
    Veuillez accepter, madame, nos sincères condoléances.

    La signature de l’un des vice-présidents suivait.
    — Nous avons toujours payé à temps, depuis trente ans, ajouta-t-elle, visiblement angoissée.
    Jacques remit la missive dans l’enveloppe, songeur. Il se souvenait de la scène, deux mois plus tôt. Sa mère avait demandé à Fulgence de régler cette dépense. L’homme se trouvait alors aux abois.
    — Tu as ton livret bancaire avec toi ? Enfin, celui de papa.
    Simple ménagère, elle ne possédait pas de compte, et certainement aucun livret de banque à son nom. Maintenant, à titre de veuve, elle entendait corriger cette anomalie dès que les épargnes du ménage deviendraient les siennes.
    — ... Non. Pour quoi faire? Ça n’a rien à voir.
    — Normalement, le dépôt du chèque de papa devrait apparaître à peu près à la mi-juillet.
    — Bien sûr, il a payé. Il a toujours payé...
    Elle s’accrochait de toutes ses forces à cette idée. Obsédé par ses petites habitudes, Fulgence ne pouvait pas avoir négligé son devoir.

    — Rentrons à la maison. Nous ferons cette vérification.
    Puis demain, nous pourrons aller à la banque. S’il existe, le chèque sera dans leurs dossiers.
    — Jacques, ne parle pas comme cela !
    Si Thérèse avait encaissé la mort de son époux en conservant son calme, la perspective de voir un petit pécule s’envoler la mettait dans tous ses états. Tous les deux attendirent ensuite le prochain tramway dans la rue de la Fabrique.

    *****
    Une fois à la maison, la veuve courut à l’étage afin de chercher le livret dans sa commode. Elle redescendit en parcourant les pages du petit cahier.
    — Je ne vois rien, déclara-t-elle en tendant le document.
    Regarde, toi.
    A son tour, Jacques chercha la page relative à la mi-juillet. La caissière,
    du
    bout
    d’une
    plume
    très
    fine,
    avait
    indiqué les transactions. Du 10 juillet, date où la lettre avait été envoyée de La Survivance, à la mi-août, il trouva quelques montants dans la colonne des débits. En secouant la tête, il avoua :
    — C’est inutile, car je ne connais pas le montant réclamé.
    Sa mère réfléchit un moment, puis murmura :
    — Pour les assurances des personnes, celle de la maison, au moins trente dollars.
    De nouveau, il reprit son examen du petit opuscule.
    — Je ne peux être certain... Où se trouve cette satanée lettre ?
    — Je ne le sais pas. Je l’ai cherchée avant d’aller au Petit Séminaire, tout à l’heure. Je l’avais remise à ton père, mais elle ne se trouve pas dans ses affaires.
    — Tu la lui as donnée avant qu’il parte au travail, un matin... Peut-être dans ses cartons !
    Au cours des derniers jours d’existence des ateliers, le directeur était revenu avec de petites boîtes dans les bras.
    Pour épargner le prix de la course en taxi, il avait préféré rapporter de cette façon la multitude d’objets personnels encombrant son bureau. Après trente ans, cela donnait tout un amoncellement.
    Jacques se rendit dans la cuisine pour soulever la trappe dans le plancher. Elle donnait accès à un vide sanitaire de trois pieds de profondeur tout au plus, froid et humide.
    Cinq boîtes en carton étaient entassées là. Il les posa une à une sur le plancher et remonta pour les mettre sur la table.
    — Tes souliers, s’avisa la mère.
    Même dans ces moments dramatiques, d’instinct, elle protégeait son linoléum. Le garçon avait récolté une boue brunâtre sur ses semelles. En conséquence, seulement avec des bas de laine aux pieds, il commença à explorer la paperasse accumulée. Il trouva de tout, entre autres des annonces de majoration de salaire signées Thomas Picard, des messages maladroitement griffonnés par des employés, et même plusieurs de ses dessins d’enfant. L’un d’eux le toucha surtout, deux personnages aux membres en forme de bâtonnets, le plus grand
    avec
    la
    mention
    «Papa»
    au-dessus
    de
    la
    tête, le plus petit avec un «Jac» de la même écriture. Les visages portaient un sourire, un soleil ornait le coin droit de la feuille.
    — Il a gardé cela pendant toutes ces années, glissa-t-il.
    — Plus tard, dit la

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