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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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plus à avancer ! J'allais l'aider, mais Lekh-Lekha fut plus rapide. Lui qui ne cessait de nous encourager depuis le départ. Il prit le bras de ma mère et lui montra un point à l'horizon :
    — Regarde ! Là-bas, droit devant !
    Dans la direction qu'indiquaient nos ombres, au pied d'une falaise ocre, j'aperçus soudain une tache verte luisant sous les rayons du soleil.
    De nature méfiante, le vieil Arkahana, s'appuyant sur sa jambe valide, nous mit en garde :
    — Ne croyez pas tout ce que vous montrent vos yeux ! Ce n'est peut-être qu'une illusion, comme savent en créer les démons du désert. On marche, on marche et ce qu'on croit approcher recule avant de disparaître, car cela n'a jamais existé dans le monde véritable d'Élohim.
    Yohanan agrippa la manche de Lekh-Lekha :
    — Est-ce une réalité ? Est-ce ce que tu nous as promis ?
    Lekh-Lekha ne dit mot. Il se remit en marche. Je surpris le sourire d'encouragement qu'il adressa à ma mère. De toute évidence, il ne doutait pas d'atteindre son but.
    Malgré notre impatience, nous avancions très lentement. Sans cesse nous devions nous arrêter pour reprendre notre souffle. Nos langues étaient si pâteuses, si épaisses que nous avions l'impression d'étouffer. Le sang battait si fort à nos tempes que la douleur se répandait partout dans notre corps. Porter nos effets était une torture. La tache verte, elle, se rapprochait. Elle ne fuyait pas devant nous, contrairement à ce qu'avait craint Arkahana.
    Lorsque les reflets du soleil sur les pierres commencèrent à nous brûler le visage, entre deux clignements de paupières, nous ne doutions plus : ce qui se dressait devant nous était réel.
    Et jamais encore nos yeux d'enfants du désert n'avaient vu pareil lieu.
    L'étendue verte était en réalité une forêt aussi profonde qu'Hénoch, semée de tamaris aux troncs épais comme deux poitrines d'homme. Plus tard, quand nous y pénétrâmes, nous découvrîmes en son centre une impressionnante pièce d'eau enserrée de palmiers lourds de fruits. Ils poussaient partout sur ses rives. Certains étaient si touffus que le soleil et le ciel ne parvenaient qu'à peine à se faufiler et retombaient sous forme de maillures scintillantes et douces à la surface de l'eau, comme des caresses.
    Quel monde étrange a créé Élohim ! songeai-je.
     

2
    L'excitation nous redonna des forces. On jeta le bois des tentes, les couffins et les sacs. Malgré notre épuisement, on courut pour atteindre les tamaris. L'ombre tomba sur nous tel un manteau glacé. Sous nos pieds, les cailloux et la poussière se muèrent en un sable fin. Lekh-Lekha nous conduisit à l'eau. De la voir seulement on se mit à trembler et pleurer. Avant même d'en emplir nos gourdes, on se jeta à plat ventre sur la rive pour la laper comme des bêtes et s'en asperger le visage et la poitrine. Ce fut comme redevenir vivants. Et je remerciai Élohim.
    Puis, soudain, la joie de l'instant passée, nos gorges cessant de brûler, nos cœurs cessant de marteler nos poitrines, Hanina leva les bras comme pour nous prendre à témoin :
    — Écoutez !
    Autour de nous résonnaient toutes sortes de bruits. Des cris, des caquètements d'oiseaux, des feulements, des appels. Des bruissements, pareils à ceux que font les anneaux des serpents. Pourtant, aucune bête n'était visible. Au sol comme dans l'air, sous les frondaisons comme entre les racines des plus grosses souches, pas un poil, pas une plume. Pas même une mouche.
    La terreur nous mordit les reins. Damasku et Hannuku prirent leurs jambes à leur cou. On ne tarda pas à leur emboîter le pas. En vérité, j'en oubliai même ma gourde près de l'eau. Haletants, tremblants, on se précipita sous le soleil brûlant à la lisière des tamaris.
    Tous, sauf Lekh-Lekha, qui demeura, sans broncher, aux abords de la forêt.
    Yohanan s'exclama :
    — Cet endroit est maléfique !
    Arkahana approuva :
    — C'est un repaire de démons.
    Lekh-Lekha ne parut pas les entendre. Il désigna un emplacement derrière lui.
    — Nous pouvons dresser nos tentes ici, déclara-t-il paisiblement. L'ombre y est douce. Nous ne repartirons qu'une fois reposés. Après-demain ou le jour suivant. Si nous continuons à nous épuiser ainsi, jamais nous ne verrons Adam et Ève, nos Ancêtres.
    Hannuku protesta :
    — Pas question ! Ça grouille de malfaisance, là-dedans. Je l'ai senti. Plutôt mourir sous le soleil.
    Lekh-Lekha éclata de rire :
    — Ne

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