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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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profère pas de sottises, fille. Les démons n'existent que dans ta tête. N'oublie pas que nous sommes ici par la volonté d'Élohim.
    An-Kahana ne l'écoutait pas. Poussé par la peur qui ne le quittait pas, il se plaça devant les cousines de Kush et agita le poing en direction de Lekh-Lekha :
    — Qui nous dit que tu n'en es pas un toi-même, de démon ?
    — An-Kahana ! gronda aussitôt ma mère Tsilah. Garde tes insultes pour toi.
    — Mon fils dit peut-être le vrai, intervint Arkahana. Pourquoi tiens-tu tant à nous entraîner sous ces arbres, Lekh-Lekha ?
    — Allons, vieil homme, fit Lekh-Lekha patiemment, ne t'en rends-tu pas compte ? Vous êtes à bout de forces. Tout vous inquiète. Il faut vous reposer. Les palmiers sont lourds de dattes et nous avons faim. L'eau fraîche du bassin vous lavera de vos peurs.
    — Il ment, intervint Damasku, butée. Ma sœur Hannuku a raison. Je ne ferai pas une seule enjambée dans cette ombre.
    — Et comment l'eau nous laverait-elle de nos peurs ? ajouta Hanina, incrédule, au bord des larmes. Les fauves tout autour sont à l'affût. Les idolâtres et les démons sont là aussi. Je les entends, je les sens !
    Lekh-Lekha ne chercha plus à discuter ni à convaincre. Il jeta un regard vers Tsilah.
    — Que ceux qui ne sont pas devenus fous me suivent, dit-il en s'enfonçant dans l'ombre des tamaris.
    Sans hésiter, ma mère lui emboîta le pas. À mon tour, je marchai sur leurs traces. Erel vint à mon côté et me saisit la main. Les autres mirent un peu plus de temps à se décider.
     
    Lekh-Lekha nous entraîna à nouveau jusqu'à l'eau. Quand nous atteignîmes les palmiers, Erel se jeta en arrière avec un petit cri :
    — Nahamma ! Nahamma ! Regarde...
    Je vis. Et je frémis d'effroi. Sur la rive opposée de cet étrange lac, trois grands fauves au pelage ocre lapaient l'eau. Leurs langues la faisaient trembler jusqu'à nous en courtes vaguelettes.
    Les autres nous rejoignirent alors. La première, Hanina découvrit les fauves. Avec un hurlement, elle empoigna le bras de Yohanan, son époux, l'entraînant dans sa fuite. Tout ce vacarme avait attiré l'attention des bêtes. Elles nous fixaient de leurs yeux jaunes.
    — Ne faites pas de folie, fit Lekh-Lekha d'une voix paisible. Restez calmes.
    Une hyène, haute et maigre, apparut alors derrière les fauves, entre les troncs des palmiers. Elle trottina vers l'eau en les contournant. Son long et large cou gris s'inclina, son museau épais frôla l'eau. La langue vive, elle but avidement. Puis elle s'assit, nous fixant aussi attentivement que les fauves. Étrangement, tout comme eux, son regard semblait curieux, étonné plutôt que féroce.
    An-Kahana agrippa l'épaule de son père.
    — Que se passe-t-il ici ? chuchota-t-il. Jamais les fauves ne laissent les hyènes les approcher de si près.
    Ce fut Lekh-Lekha qui lui répondit :
    — Ne crains rien. Regarde...
    Il fit alors la chose la plus extraordinaire. Il ôta sa cape de cuir, déroula la bande de lin qui entourait son cou et qu'il levait sur sa bouche pour se protéger de la poussière pendant nos marches. Il enleva aussi sa tunique. Enfin, il se dévêtit en entier. Tsilah et Hanina étouffèrent des marmonnements de protestation. Lekh-Lekha leur lança un sourire.
    Nu, sous le regard des trois fauves et de la hyène, il s'avança dans l'eau, l'agitant de ses chevilles et de ses mollets. Soudain, il y disparut tout entier. Erel planta ses ongles dans mon bras.
    — Lekh-Lekha ! gémit-elle.
    Il réapparut un instant plus tard. Sa tête, ses épaules et une grande partie de sa poitrine émergèrent, comme s'il bondissait depuis le fond. Il agita les bras pour se maintenir à la surface. Sur la rive, les fauves reculèrent de quelques pas. Ils considérèrent Lekh-Lekha un instant. Les remous de l'eau mouillaient jusqu'à leurs pattes. Ils se détournèrent. Trottinant sans précipitation, ils se faufilèrent l'un après l'autre entre les troncs des palmiers, tandis que la hyène, de son déhanchement reconnaissable, s'enfonça dans la direction opposée.
    Quel est ce monde étrange que Tu as créé, Élohim ? pensai-je à nouveau.
    Le rire de Lekh-Lekha me détourna de mes interrogations :
    — Avez-vous vu ? Ces bêtes ne sont pas dangereuses ! Vous ne risquez rien. Venez donc me rejoindre ! Cette eau est un don d'Élohim. Après toutes ces journées de marche, rien ne peut vous faire plus de bien !
    L'incrédulité autant

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