Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
Vom Netzwerk:
Si la Grande-Mère Awan a donné ce conseil à Nahamma, n'est-ce pas qu'Il attend de nous que nous le suivions ?
    — Qu'en sais-tu ? Qu'en sais-tu ? grinça encore Zimrah. Tu me traites de folle, et toi, tu veux nous faire tous mourir dans le désert !
    — Ce n'est pas moi qui te ferais mourir, mauvaise femme, c'est Élohim ! s'écria Arkahana. Et tu peux essayer de te cacher sous toutes tes tuniques, et même sous les briques d'Hénoch : ta haine pue si fort qu'Il te retrouvera toujours. Qu'Il en soit béni.
     

8
    Comme toujours, il fallut mille paroles violentes ou sages, les cris des partisans et les grincements des opposants, tous les discours de ceux qui avaient peur et les suppliques de ceux qui espéraient, avant que chacun en vienne à prendre sa décision.
    Cette fois, cependant, ma mère Tsilah se détourna de la dispute. Elle me prit par les épaules :
    — Laissons-les décider de leur sort, ma fille. M'aideras-tu à préparer Adah pour son ensevelissement ? Ensuite, nous partirons.
    Elle n'eut pas un mot de plus. Pas un reproche sur la vérité que j'avais dite et celle que j'avais tue. Elle savait combien c'était inutile. Et peut-être, aussi, pensait-elle qu'Élohim nous offrait un sursis précieux. Nous nous enlaçâmes, étrangement soulagées et presque heureuses.
    La tristesse nous noua à nouveau la gorge quand nous nous agenouillâmes devant le corps d'Adah. Tsilah appela Lekh-Lekha :
    — S'il te plaît, retire le couteau de sa poitrine. Moi, je ne le peux pas.
    Erel et Hanina ne furent pas longues à nous rejoindre. Yohanan, l'époux d'Hanina, aida Lekh-Lekha à confectionner le lit de branchages et à creuser la fosse. An-Kahana, l'un des fils d'Arkahana, s'unit à nous pour amasser les pierres.
    À ma surprise, alors que le soleil atteignait son zénith, il n'y eut que deux femmes de plus à vouloir nous rejoindre : Hannuku et Damasku, deux sœurs, cousines de Kush. Elles n'avaient pas voulu le suivre, contrairement à leurs époux.
    Ainsi, avec Arkahana, nous n'étions que dix à vouloir quitter Hénoch. À peine une poignée... Les cris et les mensonges de Zimrah avaient si bien attisé la peur et le doute chez les autres qu'ils préféraient attendre leur sort terrés dans Hénoch, en nous maudissant, nous toutes de la cour de Lemec'h.
     
    J'avais rêvé que tous ceux qui restaient nous accompagneraient. J'avais rêvé qu'Élohim verrait peut-être dans cette unité une raison d'adoucir Son châtiment. Mais non. Ainsi était notre peuple : inlassable dans la discorde et affamé de querelles. La terreur du proche châtiment n'y changeait rien.
    Lekh-Lekha devina ma déception. Pour la première fois, il s'adressa à moi sur un ton qui contenait un peu d'affection :
    — Ne regrette rien, fille de Tsilah. Nous nous trouverons mieux de traverser le pays de Nôd en petit nombre, tu peux me croire, qu'en une troupe qui n'en finirait pas de souffrir de la soif et de la faim dans le désert.
    Je compris par la suite combien il avait raison.
    Il demanda à chacun de se préparer pour un long voyage. Il fut décidé que nous partirions à l'aube du jour suivant, après l'ensevelissement d'Adah.
    Arkahana réunit son troupeau de petit bétail. On emplit les gourdes, on lia les barres des deux tentes, celle des hommes et celle des femmes. Chacune et chacun roula sa couverture. J'y ajoutai mon cadre à tisser et mes laines. Au crépuscule, nous empoignâmes l'assemblage de branches sur lequel reposait Adah. Le soulagement de nous voir quitter Hénoch se lisait sur tous les visages.

 
     
     
     
     
     
     
     
    Troisième partie
    Les épreuves
     

1
    Durant toute une lune, on marcha. Les premiers jours, nous avancions raidis par la peur. La nuit, la fatigue nous poussait dans un sommeil de pierre et pourtant si fragile qu'au moindre bruit nous nous réveillions en sursaut. Chaque journée ressemblait à la précédente. Les pierres, les roches, les buissons, les ravines et les crêtes des collines, les sentes et les pentes... tout paraissait semblable et infini.
    Vingt jours passèrent. Le doute s'insinua dans nos cœurs. La poussière et la soif épaississaient nos bouches et nos langues. Pour nous épargner trop d'efforts, nous parlions peu. Tous, nous pensions à Hénoch. Si éprouvante qu'ait été la vie dans nos murs, elle nous semblait maintenant enviable. La pensée me venait souvent de Youval. Lui et les sons de son flûtiau me manquaient. Que faisait-il ?

Weitere Kostenlose Bücher