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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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mots, tu te caches dedans mieux que quiconque pour ne pas voir le vrai. Peut-être que la vieille Zimrah, à Hénoch, avait raison. Peut-être es-tu de l'engeance du serpent !
    — Arkahana ! gronda ma mère en levant la main.
    J'étais moi aussi debout et tremblante de rage. Je lui fis signe de se retenir et criai :
    — Et toi, vieillard, et vous tous, gens d'Hénoch, depuis les premiers jours de Caïn sur la terre du pays de Nôd, ne vous cachez-vous pas dans les mots afin d'éviter le châtiment d'Élohim ? Chaque geste qu'Il fait vers vous, vous le détournez. Ses avertissements, vous les esquivez. Mille ans que cela dure, et vous en êtes encore à fuir sans savoir où votre lâcheté vous conduit !
    La colère m'avait fait monter le sang au visage. Les joues me brûlaient. Devant les regards posés sur moi, devant celui, sidéré, de ma mère Tsilah, je pris conscience de la violence de mes paroles. Pourtant, rien en moi ne souhaitait les adoucir et encore moins s'en excuser. Pour la première fois depuis que nous avions quitté les murs d'Hénoch, étrangement, je n'avais plus aucun doute sur le fait que bientôt nous serions devant la première femme et le premier homme créés par Élohim. Rien ne pourrait s'y opposer, pas même le fleuve monstrueux qui coulait devant nous. Et certainement pas les jérémiades d'Arkahana. Elles n'étaient que l'incessante et terrible et inutile plainte des générations d'Hénoch, incapables de rien voir d'autre dans le présent que leur insatisfaction, leur faiblesse et leur éternelle peur des temps à venir.
    Je me rassis, disposée à subir les reproches. Ma surprise fut grande d'entendre Yohanan déclarer d'une voix calme :
    — Nahamma a raison. Lorsque la Grande-Mère Awan est venue devant nous pour nous annoncer la volonté d'Élohim de nous effacer, pas un ne s'est levé pour dire : « Awan ment. Elle nous trompe. » Pourquoi douter maintenant de sa parole quand elle nous dit : « Allez vers l'ouest, passez le fleuve, rencontrez les premiers de nos Ancêtres » ?
    — Awan ne te l'a pas dit, grommela Arkahana. Ni à moi ni à personne d'autre qu'à Tsilah et à Nahamma. Or qui, ici, peut affirmer que la vérité sort de leur bouche ?
    Ma mère me fixa avec force. Je savais ce qu'elle pensait. Le vieil Arkahana n'était pas loin de deviner le vrai. Jamais la Grande-Mère Awan ne m'avait demandé d'aller devant son père Adam et sa mère Ève en compagnie de ceux d'Hénoch. C'était moi, par crainte de faire le chemin seule, qui l'avais proposé.
     
    Peut-être l'aurais-je avoué, aussi honteuse et pleine de remords que j'avais été pleine de colère l'instant précédent. Mais Lekh-Lekha, comme s'il avait perçu notre gêne, déclara :
    — Avez-vous déjà oublié le présent qu'Élohim nous a fait sur notre chemin ? Croyez-vous qu'Il nous aurait accueillis dans cette parcelle de l'Éden où nous avons trouvé le repos, nous sauvant de la soif et de l'épuisement, s'Il ne voulait pas de nous devant Adam et Ève ? Croyez-vous qu'Il ne nous voit pas en cet instant même, en train de nous disputer encore et encore et encore ? Croyez-vous qu'Il ne juge pas notre endurance et notre confiance et n'y trouve pas motif à pardonner ?
    Erel eut un rire amer :
    — Tu vois, Lekh-Lekha, tu penses comme moi. Tu espères et te dis : montrons à Élohim que nous méritons d'être épargnés.
    Les fronts et les paupières se baissèrent. Le vacarme des vagues s'écrasant sur les rives emporta le silence. Erel rit encore, y mêlant un sanglot :
    — Mais je le vois bien. Plus aucun de vous n'y croit. Inutile de continuer à vous disputer.
    Lekh-Lekha s'appuya sur son arc et lui fit face :
    — Les palabres et les larmes ne nous font pas avancer. Nous devons trouver le moyen de traverser le fleuve. Nous avons eu la force de traverser le pays de Nôd. Nous saurons vaincre l'eau.
     

6
    Lekh-Lekha avait raison. Terriblement raison.
    Les épreuves de la journée et la dispute nous laissèrent d'abord pantelants et sans goût pour l'effort. Seuls Lekh-Lekha et Yohanan décidèrent d'explorer la rive du fleuve. Ils espéraient trouver un emplacement discret où l'on pourrait monter nos tentes pour la nuit à venir.
    Ils s'absentèrent longtemps. Hanina commença à s'inquiéter :
    — Ils se sont fait prendre, ils se sont fait prendre ! répétait-elle, relançant notre peur.
    Les ombres s'allongèrent. Soudain, on entendit une course dans les

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