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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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cria :
    — Non, non, folles que vous êtes ! Partez ! Retournez là-bas ! Ces idolâtres nous prennent pour des démons !
    Elle releva Arkahana. J'étais assez près pour l'aider. J'avançai encore. J'entendis alors un cri de douleur. Damasku !
    Je me retournai. Je la vis s'effondrer, une flèche dans la poitrine.
    Le hurlement d'Hannuku m'immobilisa, alors que ma mère répétait :
    — Cours, Nahamma ! Cours !
    Non je ne voulais pas courir : je voulais relever Damasku. La poigne de Lekh-Lekha m'en empêcha. Sans une hésitation il me souleva et m'emporta vers An-Kahana qui retenait Hannuku, en larmes. Yohanan se précipitait déjà pour aider ma mère à ramener vers nous le vieil Arkahana.
     

5
    Oh, ces cris ! Ces sifflements et ces craquements de flèches autour de nous ! Je les ai encore dans les oreilles. Le chemin où nous étions filait tout droit. Du haut des murs les archers voyaient loin. Lekh-Lekha finit par repérer une sente étroite sur la gauche et il nous y poussa. Ce n'était qu'une trace entre les herbes, comme en font les bêtes.
    Hannuku hurlait et se démenait, voulant absolument repartir pour reprendre le corps de sa sœur aux idolâtres.
    — Ils vont la brûler ! gémissait-elle. Ils vont la souiller ! On ne peut pas la laisser là-bas !
    Nous nous arrêtâmes à l'abri d'une petite butte. Hanina et Erel eurent le plus grand mal à calmer Hannuku. Lekh-Lekha et Yohanan parvinrent à la convaincre qu'il était impossible de retourner sous les murs des idolâtres. Ma mère Tsilah restait étrangement prostrée, tandis qu'Arkahana, réconforté par son fils An-Kahana, hochait la tête en gémissant :
    — Elle est morte par ma faute ! Oh, la pauvre fille ! Qu'Élohim me châtie ! Elle est morte par ma faute !
    J'aurais voulu l'apaiser, le convaincre du contraire, mais pas un mot ne parvenait à sortir de ma bouche. Ce n'était pas seulement l'effet de la peur qui me faisait encore trembler. Je ne pouvais m'empêcher de songer : Damasku est morte et je suis vivante. Est-ce ainsi qu'Élohim va m'épargner, tandis qu'Il va tous les exterminer autour de moi ?
    Oh, cette pensée ! Malgré l'horreur, malgré la honte, il m'en venait aussi un terrible soulagement.
    Enfin, Lekh-Lekha annonça :
    — Éloignons-nous encore. Les idolâtres pourraient envoyer des hommes à notre recherche.
     
    Nous nous remîmes en marche. Bientôt on s'approcha si près du fleuve que, soudain, toute son immensité fut à nos pieds. La rive d'herbe cessait là, comme tranchée. À quelques pas, les vagues se tordaient inlassablement à la surface du fleuve. Certaines s'y soulevaient et s'y déchiraient en claquements secs, comme pour s'en arracher. Elles bondissaient jusqu'à l'étroite bande de galets et de sable noir qui bordait la rive. Chaque fois, reprises par le monstrueux courant qui les emportait, elles y crachaient de l'écume. On eût dit la bave de mille fauves haletants, impatients de nous entraîner dans l'abîme du fleuve.
    Le souffle court, nous nous laissâmes tomber sur le sol, silencieux et abattus, fixant cette immensité bleu-brun qui charriait notre désespoir.
    Avoir tant subi, tant affronté, consenti tant d'efforts, montré tant d'obstination... et se retrouver si impuissants !
    — Les gens d'ici ne parlent pas notre langage, soupira Arkahana, accablé. Des sons sortent de nos bouches, mais pour eux ils ne veulent rien dire.
    — Nous, on a très bien compris qu'ils ne voulaient pas de nous, remarqua Tsilah avec un ricanement amer.
    Arkahana lui adressa un regard de reproche, comme si elle ne mesurait pas la gravité de l'instant.
    — Élohim a trouvé un curieux moyen de nous effacer de la Terre : nous perdre ici, chez des idolâtres qui ignorent Son langage !
    — Que croyais-tu ? répliqua encore Tsilah avec humeur. Qu'Il aurait des manières douces avec nous ?
    Le vieil Arkahana fit claquer sa langue avec agacement. Un geste qui me rappela mon père Lemec'h.
    Hannuku bondit sur ses pieds, tirant sur le bras d'An-Kahana, l'obligeant à se relever à son tour.
    — Viens ! s'écria-t-elle. Viens avec moi, rejoignons les idolâtres ! Ton père a raison, on n'arrivera jamais de l'autre côté du fleuve.
    Hanina se dressa :
    — Ils te tueront dès qu'ils te verront !
    Hannuku la repoussa violemment :
    — Je vais aller vers eux, ils me prendront, mais ils ne brûleront pas Damasku. Elle ne rejoindra pas les jardins du Mal des

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