Ève
idolâtres !
— Ce ne sont pas les idolâtres qui décideront du sort de ta sœur, mais Élohim, ne put s'empêcher de dire Arkahana.
Le rire d'Hannuku fit mal à entendre.
— Ah, c'est ce que tu crois, vieux fou ? hurla-t-elle d'une drôle de voix. Qu'est-ce que vous croyez tous ? Que parce que vous verrez nos Ancêtres, vous serez épargnés ? Qu'Élohim vous pardonnera ? Qu'Il oubliera que vous êtes d'Hénoch ? Oh oui, je le vois à vos visages ! C'est pour ça que vous marchez comme des fous depuis des jours, hypocrites que vous êtes !
Et, tendant ses petites mains nerveuses vers nous :
— Vous n'osez pas le dire, mais vous pensez à ça tout le temps. Je le sens. Oui, je le sens ! Vous vous trompez ! La mort nous suit nuit et jour. Vous ne lui échapperez pas. Quand je me réveille la nuit, je la vois qui guette dans le noir. Sur les chemins, je la vois qui patiente derrière les roches et les arbres. Je me dis : « Elle va venir, elle va venir. » Je n'en peux plus, de votre couardise ! Je me fiche de traverser le fleuve ! D'ailleurs, je ne sais même pas comment il s'appelle ! Qu'Élohim nous tue ou que les idolâtres nous massacrent, qu'est-ce que ça changera ?
Hannuku gesticulait, hors d'elle, mangeant ses larmes, avalant sa rage et son impuissance, sombrant dans le désespoir. An-Kahana l'enlaça.
— Ne crie pas si fort, s'il te plaît, lui dit-il doucement. Les idolâtres vont nous repérer.
Elle le bouscula.
— Et alors ? répéta-t-elle. Je veux les rejoindre. Ne viens pas si tu n'en as pas le courage. J'y vais sans toi...
An-Kahana la retint, lui baisa doucement les tempes. Elle céda, se brisant en gros sanglots. Sa fureur retomba. Sous les caresses d'An-Kahana, ses forces l'abandonnaient. Elle s'agrippa à son cou comme si le fleuve allait l'emporter. À mon côté, Erel déclara sombrement :
— Hannuku a raison. Je vous accompagne car, au fond de moi, depuis notre départ d'Hénoch, pas un jour et pas une nuit ne passent sans que je croie un peu que nos Ancêtres obtiendront notre pardon devant Élohim ! Oh, comment Élohim peut-Il vouloir tuer mon enfant pas même né ? Moi qui souhaite tant le voir sortir de moi et vivre ! Ah, s'il fallait mourir pour lui donner la vie, ce serait moins terrible. Oui, Hannuku a raison. Mille fois, depuis notre départ, j'ai songé que j'aurais mieux fait d'aller avec Kush chez les idolâtres. Élohim est plus cruel qu'eux. Au moins, eux m'auraient prise pour esclave !
Une nouvelle fois, Arkahana claqua furieusement des lèvres :
— Allons donc ! Les idolâtres feraient rôtir ton nouveau-né dès qu'il serait hors de ton ventre. Le châtiment d'Élohim n'est pas que nous mourions de la main des sauvages ou que nous leur servions de peau de tambour. Si nous sommes las d'attendre Son châtiment, il nous suffit d'entrer dans ce fleuve. La mort ne sera pas longue à nous saisir !
— Arkahana, souffla ma mère, comment oses-tu ?
— Et pourquoi n'oserais-je pas ? Qui peut dire si Élohim ne nous a pas conduits devant cette eau pour qu'elle nous emporte et nous efface ? Le vrai, tu l'as sous les yeux : Élohim ne veut pas de nous là-bas, chez nos Ancêtres. Sinon, à quoi bon dresser devant nous cette eau fourbe ?
Arkahana me fixa avec un mauvais sourire.
— Tu es trop naïve, fille de Lemec'h, siffla-t-il. La Grande-Mère Awan vous a donné un faux espoir, à toi et à ta mère Tsilah. Elle nous a toujours détestées, nous, les générations sorties de ses cuisses. Jamais elle ne nous a voulu de bien. Alors que la faute de ce que nous sommes est venue d'elle autant que de Caïn. La peur nous a poussés à croire à ses mensonges, mais elle savait qu'elle nous poussait vers plus de mal.
Ce fut plus fort que moi. Jusqu'à ce jour, on vantait mon caractère docile et accommodant. Là, une fureur me prit qui me brûla le sang comme jamais auparavant.
— Arkahana, tu crois savoir et tu ne sais pas ! La Grande-Mère Awan n'est pas revenue dans Hénoch pour nous tromper. Ce qu'elle a dit, elle l'a dit parce qu'Élohim voulait nous le faire entendre. L'heure de l'effacement arrivera. N'en doutons pas. Sa manière sera dure ou douce, nous l'ignorons. Mais ce n'est pas en proférant de tels mots, ni en insultant la Grande-Mère, que le pardon viendra.
Arkahana se contenta d'un ricanement de mépris.
— Tu es bien jeune pour juger, ma fille, finit-il par lancer. Pour ce qui est des
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