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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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l'une, le mâle et la femelle. » Je lui ai répondu : « Ô YHVH, je ne suis pas une bête. Je suis l'Adam que tu as créé. Je n'ai aucun besoin d'accompagnement. » « Au contraire, m'a-t-Il répondu, il te faut de l'aide pour aller et venir et qui puisse te faire face. » Que voulait-Il me dire ? Je n'avais besoin d'aucune aide, puisque j'étais parfait. Il ne m'a pas laissé le temps de protester. Il m'a plongé dans un sommeil profond.
     
    Nous étions fascinés par le récit d'Adam. Son corps gracieux se mouvait devant nous, ses yeux guettaient les nôtres, ses mains racontaient ce que sa bouche ne disait pas. Et là, il releva sa tunique pour nous dévoiler son torse nu.
    — Voyez-vous ce vide à mon côté ? s'écria-t-il en s'offrant à nos regards. Le voyez-vous ?
    Il n'y eut qu'un silence embarrassé. Son côté était comme chez tous les hommes. Juste plus large et plus haut, et d'une chair si fine et délicate qu'on ne pouvait croire qu'elle avait mille ans.
    — Regardez-moi ! insista Adam.
    Livide et mal à l'aise, Seth le prit par l'épaule :
    — Père...
    Adam écarta la main de son fils et s'approcha de Lekh-Lekha et de Yohanan, exposant sa chair pâle et nue tout près de leurs yeux.
    — Vous le voyez, ce côté ? Eh bien, c'est de là que YHVH a tiré Ève de moi. Pendant que je dormais ! De moi, gronda-t-il en se frappant la poitrine. De moi et de rien d'autre !
    Le rire d'Ève nous submergea. Un rire léger, chantant, plein de joie.
    — Ô Adam, mon Adam ! Ne fais donc pas la bête devant ces pauvres gens. Tu les fais rougir, à t'exposer ainsi. Que veux-tu qu'ils voient sur ton côté ? Rien. Rien du tout. Pas même une cicatrice pour les convaincre de la vérité de tes souvenirs. Voudrais-tu aussi leur montrer cette poussière de l'Éden dont YHVH t'a tiré toi-même !
    Adam laissa retomber sa tunique et lui fit face. La colère, la rancœur, la fureur, mêlées à une tendresse que j'étais incapable de comprendre, lui déformaient les traits.
    — Femme, tu es née de moi ! Il n'y a pas d'autre vérité ! rugit-il. Tu es née de moi, et aussitôt sur pied tu m'as trahi !
    Brusquement, Ève perdit son flegme. Debout devant lui, elle fouetta de mots le visage d'Adam :
    — Oui, je suis née de la volonté de YHVH, que cela te plaise ou non. À côté de toi et non de toi. Et nul ne t'a contraint à goûter aux fruits de l'arbre, puisque c'est ça que tu veux faire croire.
    — Mensonges ! Tu as triché. Tu m'as tendu le fruit alors que j'étais à peine réveillé.
    — Et pourquoi dormais-tu ? Parce que tu m'avais goûtée, moi d'abord, et que tu m'avais trouvée à ton goût.
    — Ça ne pouvait être autrement. Tout était parfait.
    — Tout était immobile ! Nous ne valions pas plus qu'une feuille de vigne ou une motte de terre !
    — Ne parle pas de la vie, toi qui nous as menés à la mort.
    — Moi qui t'ai donné Caïn et Abel...
    — Oh oui, oui ! Le meurtrier et sa victime !
    — ... et Awan, et ton Seth dont tu ne te sépares jamais.
    — Si ta faute ne nous avait pas chassés du jardin, Caïn et Abel seraient ici, vivants, comme Seth. Le bonheur serait encore là tout entier. Et ces pauvres gens, comme tu dis, n'auraient jamais connu le pays de Nôd et Hénoch.
    — De quel bonheur parles-tu, Adam ? L'Éden ne contenait aucun bonheur. La vie n'y était pas vivante. C'est moi, Ève, qui ai engendré le véritable vivant. YHVH ne m'a-t-Il pas appelée « Ève, Mère des vivants » ? Et toi, le désir de la vie, tu ne l'as pas connu avant que nous arrivions ici, hors de l'Éden. Avant, tu n'étais que du parfait dans le parfait. Mais un jour, grâce à moi, dans le jardin tu as dit à YHVH : « Je suis nu, quelle honte. La femme m'a mis à nu ! » Et voilà. Pour la première fois tu découvrais, en même temps que la nudité, le goût de la vie...
     
    Ève se tut, laissant ses mots s'emparer de nous, ceux d'Hénoch. Puis elle reprit, d'un ton partagé entre l'ironie et l'attendrissement :
    — Adam, Adam, mon homme désiré, avoue-le, ma nudité ne t'a pas déplu. Tu n'es pas allé te plaindre à YHVH et tu n'as pas détourné les yeux devant les plaisirs. Au contraire. Tu étais ravi de tes membres pleins d'ardeur. Quand ton désir m'a pris et que nous avons conçu notre fils Caïn, ici même, au jour de la plantation de ce tamaris qui nous abrite aujourd'hui de son feuillage, n'as-tu pas remercié YHVH

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