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Ève

Ève

Titel: Ève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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est bonne. Ce dessin-là, je l'ai tissé en pensant à la chair des fruits jaunes et fermes, celui-ci en me rappelant le regard de la hyène quand Lekh-Lekha est entré dans l'eau... Et ainsi de suite. Maintenant, et bien qu'il nous soit arrivé quantité de surprises durant le voyage, il me suffit de regarder ce tissage. Alors je me souviens de tous les détails de cette halte si étrange.
    Une fois encore, Noah me surprit par son silence. Tour à tour il m'observait et étudiait mon tissage. Son visage était frémissant, attentif, mais ce qu'il pensait, impossible de le deviner.
    Finalement, sa main caressa mon ouvrage avec une douceur qui fit frissonner ma peau.
    — Tu te trompes, murmura-t-il avec un respect qui m'intimida. Ce tissage n'est pas inutile. Tout au contraire, il est merveilleux. YHVH t'a offert le moyen de préserver le temps passé !
    Quelque chose vibrait dans sa voix que je n'avais encore entendu ni chez lui ni chez d'autres. Plus que de la joie, plus que du plaisir...
    Il prit mon bras.
    — Viens, moi aussi, j'ai quelque chose à te montrer. Une chose qui te concerne.
     

12
    Nous quittâmes la cour sans un mot. Noah marchait vite. Il avait lâché mon bras. J'aurais aimé qu'il me prenne la main comme il l'avait fait dans le jardin d'Adam. Il ne semblait pas y songer, et moi je n'osai pas nouer mes doigts aux siens.
    Il m'entraîna, par un chemin qui s'éloignait du fleuve, dans un champ couvert d'arbustes sur lesquels pendait une multitude de grappes
    — Ce sont des fruits. Des raisins, m'expliqua-t-il. On en fait du vin.
    Puis nous nous approchâmes d'une forêt clairsemée, aux arbres trapus et serrés comme des quenouilles. Ils ne portaient ni ramures ni branches lourdes de feuilles, mais des aiguilles d'une finesse extrême et très odorantes. Noah m'en apprit le nom : des cyprès.
    Il ne me dit pas un mot de plus jusqu'à ce que nous atteignions une butte dénudée. La roche blanche y formait une avancée lisse et plate à l'aplomb d'une falaise. En contrebas se dressait la chose la plus étrange que mes yeux aient jamais vue.
    Tout de bois et d'assemblages minutieux de planches, on eût dit un coffre immense, très long, plus fin à la base et aux extrémités bizarrement arrondies. Quantité de hauts piliers se dressaient sur ses côtés pour l'empêcher de basculer. Des cordes de chanvre y pendaient par dizaines.
    Le plus extraordinaire était le dessus de ce coffre. On y distinguait des petites pièces, des enclos, des appentis, et si bien disposés qu'on aurait pu les croire à l'intérieur d'une cour cernée de briques.
    Tout autour de cette incroyable construction, les arbres étaient abattus, réduits à des débris de troncs et des amas de branchages, aussi bien que si un monstre les avait ravagés.
     
    Mon étonnement fut grand, l'expression de mon visage si disgracieuse que le rire de Noah réduisit au silence les oiseaux et les insectes. Enfin, et sans plus de retenue, Noah me prit la main.
    — Tu n'as rien vu encore ! Le plus surprenant est à l'intérieur.
    Il m'entraîna sur le sentier abrupt qui longeait la falaise jusqu'à l'étendue où reposait le coffre.
    Vu de près, il était si imposant que je ne saurais le décrire. On accédait à l'intérieur par une porte de deux coudées ouverte sur l'un des côtés. Des cordes fixées à des pieux de la taille d'un homme permettaient de la maintenir ouverte ou fermée. De larges voies allaient au cœur du coffre, vers l'avant et vers l'arrière, chacune donnant sur quantité de niches. Là, les cloisons n'étaient pas encore achevées. Planches, poutres et cordes s'empilaient... Un enchevêtrement de piliers, de toits et d'escaliers, des murs de bois, des chambres, des cages... Cela semblait conçu par un esprit pris de folie.
    Des échelles grimpaient sur le toit suivant, qui abritait lui aussi des niches, des chambres, des successions de casiers par dizaines.
    Il fallait encore d'autres échelles pour atteindre le toit, où l'on retrouvait le jour.
    Là, en plein air, sur le plancher de bois, l'on pouvait aller et venir sur plus de cent coudées. S'approcher du bord donnait le vertige tant on surplombait le sol.
    — Nous sommes à trente coudées de haut, me dit Noah fièrement.
    Tout était si étrange, si déconcertant ! Je fis de multiples allers-retours pour m'emplir les yeux, m'assurer que je touchais du vrai bois, des vraies poutres, que je respirais bien leur odeur forte et irritante.
    — Est-ce toi

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