Excalibur
œuvre.
— C’est
pourquoi il aurait dû rester au pouvoir. » Je trouve que Dafydd ressemble
beaucoup à saint Sansum, lorsqu’il se trompe, il ne veut jamais le reconnaître.
« Oui,
dis-je, mais il était las. Il voulait que d’autres reprennent le fardeau. Si
quelqu’un est à blâmer, c’est moi ! J’aurais dû rester en Dumnonie au lieu
de passer tout ce temps à Isca. Mais à l’époque, personne ne voyait ce qui
était en train d’arriver. Aucun de nous ne s’est aperçu que Mordred faisait
tout pour devenir un bon soldat, et après, il nous a convaincus qu’il mourrait
bientôt et que Gwydre deviendrait roi. Et qu’alors tout irait bien. Nous
vivions dans l’espoir et non dans le monde réel.
— Je
continue à penser qu’Arthur nous a laissés tomber », affirma Dafydd, d’un
ton qui expliquait pourquoi il désapprouvait le nom du nouvel Edling. Combien
de fois avais-je été forcé d’écouter cette même condamnation d’Arthur ? Si
seulement il était resté au pouvoir, disait-on, les Saxons auraient continué à
nous payer un tribut et la Bretagne s’étendrait d’une mer à l’autre, mais quand
il gouvernait la Bretagne, on grommelait aussi contre lui. Lorsqu’il donnait
aux gens ce qu’ils désiraient, ils se plaignaient que ce n’était pas suffisant.
Les chrétiens lui reprochaient de favoriser les païens, les païens lui
reprochaient de tolérer les chrétiens, et tous les rois, sauf Cuneglas et Œngus
Mac Airem, le jalousaient. Le soutien d’Œngus ne pesait pas lourd, mais lorsque
Cuneglas mourut, Arthur perdit son partisan royal le plus précieux. En outre,
Arthur ne laissa jamais tomber personne. La Bretagne tomba d’elle-même. La
Bretagne laissa les Saxons revenir en douce, les Bretons se chamaillaient entre
eux et gémissaient que tout était de la faute d’Arthur. Arthur, qui leur avait
donné la victoire !
Dafydd
parcourut les dernières pages. « Est-ce que Ceinwyn s’est rétablie ?
— Oui,
loué soit Dieu, et elle a vécu encore bien des années. » J’allais lui
parler de ces derniers temps, mais je vis que cela ne l’intéressait pas, aussi
je gardai mes souvenirs pour moi. Finalement, Ceinwyn mourut d’une fièvre. Je
voulus brûler son cadavre, mais Sansum insista pour qu’elle soit enterrée à la
façon chrétienne. Je lui cédai, mais un mois plus tard, je m’arrangeai pour que
des hommes, fils et petits-fils de mes anciens lanciers, déterrent son corps et
le brûlent sur un bûcher funéraire afin que son âme puisse rejoindre ses filles
dans l’Autre Monde, et ce péché ne me donne aucun regret. Je doute qu’un homme
en fasse autant pour moi, mais peut-être Igraine, si elle lit ces mots,
fera-t-elle édifier mon bûcher funéraire. Je prie pour qu’elle le fasse.
« Est-ce
que tu changes l’histoire en la traduisant ? demandai-je à Dafydd.
— La
changer ? » Il prit un air indigné. « Ma reine ne me laisserait
pas changer une syllabe.
— Vraiment ?
— Je peux
corriger quelques fautes de grammaire, dit-il en rassemblant les peaux, mais
rien d’autre. Je suppose que la fin de l’histoire est proche ?
— Oui.
— Alors,
je reviendrai dans une semaine. » Il mit les parchemins dans un sac et s’empressa
de partir. Un instant plus tard, Sansum se précipita dans ma chambre. Il
portait un étrange paquet que je pris d’abord pour un bâton enveloppé dans une
vieille cape. « Dafydd a-t-il apporté des nouvelles ?
— La
reine va bien, ainsi que l’enfant. » Je décidai de ne pas révéler à l’évêque
qu’on avait appelé le petit garçon Arthur ; cela ne ferait que contrarier
le saint et la vie est bien plus facile à Dinnewrac lorsque Sansum est de bonne
humeur.
« J’ai
parlé de nouvelles, me reprit-il sèchement, pas de bavardage de femmes à propos
d’un bébé. Les feux ? Est-ce que Dafydd a parlé des feux ?
— Il n’en
sait pas plus que nous, Monseigneur, mais le roi Brochvael croit que ce sont
les Saxons.
— Dieu
nous en préserve. » Sansum alla se poster à ma fenêtre d’où une traînée de
fumée était encore visible à l’est. « Dieu et ses saints nous protègent »,
pria-t-il, puis il alla déposer son étrange paquet sur mon bureau. Il déplia la
cape et je vis, à mon grand étonnement, que c’était Hywelbane ; quoique au
bord des larmes, je n’osai pas montrer mon émotion, mais me signai comme si j’étais
choqué de voir apparaître une
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