Excalibur
lanciers marcheront avec Cerdic
l’année prochaine. » Il rit. « Tu as perdu ton temps, Derfel, mais je
suis content que tu sois venu. Demain, nous parlerons d’Erce. Tu veux une femme
pour la nuit ?
— Non,
Seigneur Roi.
— Ta
princesse n’en saura jamais rien, ne taquina-t-il.
— Non,
Seigneur Roi.
— Et il
se prétend mon fils ! » Aelle rit, et ses fils rirent avec lui. Ils
étaient tous deux grands et, bien que leurs cheveux fussent noirs, j’ai dans l’idée
qu’ils me ressemblaient, tout comme je me doutais qu’on les avait invités dans
cette pièce pour qu’ils soient témoins de la conversation et transmettent le
refus catégorique d’Aelle aux autres chefs saxons. « Tu peux dormir sur le
seuil de ma porte, dit Aelle en congédiant ses fils d’un geste, tu y seras en
sécurité. » Il attendit que Hrothgar et Cyrning soient sortis de la pièce,
puis me retint. « Demain, dit mon père à voix basse, Cerdic rentrera chez
lui et il emmènera Lancelot. Cerdic va se méfier parce que je t’ai laissé la
vie, mais je survivrai à ses soupçons. Nous parlerons demain, Derfel, et je te
donnerai une plus longue réponse pour Arthur. Ce ne sera pas celle qu’il désire,
mais peut-être suffira-t-elle à le contenter. Va maintenant, j’attends de la
compagnie. »
Je dormis dans
l’étroit espace entre l’estrade et la porte de mon père. Durant la nuit, une
jeune fille passa devant moi pour se rendre dans le lit d’Aelle pendant que,
dans la grande salle, les guerriers chantaient, se battaient, buvaient, et à la
longue, cédèrent au sommeil, bien que l’aube fût levée avant que le dernier
commençât à ronfler. Je m’éveillai en entendant les coqs chanter sur la colline
de Thunreslea, alors je sanglai Hywelbane, ramassai ma cape et mon bouclier, et
passai devant les braises des feux pour sortir dans l’air vif et glacé. Une
brume s’accrochait au plateau élevé, s’épaississant en brouillard au fur et à
mesure que le terrain descendait vers l’endroit où la Tamise s’élargissait et
se jetait dans la mer. Je m’éloignai du manoir et marchai jusqu’au bord de la
colline d’où je contemplai la blancheur suspendue au-dessus de la rivière.
« Mon
Seigneur Roi m’a ordonné de te tuer si je te trouvais seul », dit une voix
derrière moi.
Me retournant,
je vis Bors, le cousin et le champion de Lancelot. « Je te dois des
remerciements, dis-je.
— Pour t’avoir
averti, à propos de Liofa ? » Bors haussa les épaules comme si c’était
chose de peu d’importance. « Il est rapide, hein ? Rapide et
meurtrier. » Bors vint se poster à côté de moi et mordit dans une pomme,
décida qu’elle était blette et la jeta. C’était encore un guerrier grand et
fort, un lancier balafré à la barbe noire qui s’était tenu derrière beaucoup
trop de murs de boucliers et avait vu beaucoup trop d’amis abattus. Il rota. « Ça
m’était égal de me battre pour donner le trône de Dumnonie à mon cousin,
dit-il, mais je n’ai jamais eu envie de combattre pour un Saxon. Et je ne
voulais pas te voir taillé en pièces pour l’amusement de Cerdic.
— Mais l’année
prochaine, Seigneur, tu combattras pour Cerdic.
— Tu
crois ? » me demanda-t-il. Il semblait amusé. « Je ne sais pas
ce que je ferai l’année prochaine, Derfel. Peut-être m’embarquerai-je pour
Lyonesse ? On m’a dit que là-bas vivent les femmes les plus belles du
monde. Elles ont des cheveux d’argent, des corps d’or et pas de langue. »
Il rit, puis tira une autre pomme d’un petit sac et la frotta sur sa manche. « Mon
Seigneur Roi, dit-il en parlant de Lancelot, va combattre pour Cerdic, mais que
peut-il faire d’autre ? Arthur ne l’accueillerait pas bien. »
Je compris
alors que Bors me sondait. « Mon seigneur Arthur n’a rien contre toi,
dis-je prudemment.
— Ni moi
contre lui, dit Bors la bouche pleine. Aussi peut-être nous rencontrerons-nous
de nouveau, Seigneur Derfel. Quel dommage que je ne t’ai pas trouvé ce matin.
Mon Seigneur Roi m’aurait généreusement récompensé si je t’avais tué. » Il
me fit un grand sourire et s’en alla.
Deux heures
plus tard, je vis Bors partir avec Cerdic, descendre la colline où la brume se
déchirait entre les arbres aux feuilles rouges. Une centaine d’hommes s’en alla
avec Cerdic, dont la plupart souffraient des suites du festin de la nuit, tout
comme les hommes d’Aelle qui formèrent une
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