Excalibur
épées
s’entrechoquèrent.
Seulement
cette fois, il n’y eut pas de tintement, mais un craquement.
Car la lame de
Liofa s’était brisée. Les deux tiers de l’épée se détachèrent et tombèrent sur
les joncs, ne lui laissant qu’un court tronçon à la main. Il eut l’air
horrifié. Puis, le temps d’un battement de cœur, il parut tenté de m’attaquer
avec ce qui restait de son arme, mais je lui portai deux rapides coups d’estoc
qui l’obligèrent à reculer. Il comprit alors que je n’étais pas du tout
fatigué. Il vit aussi qu’il était un homme mort, pourtant il tenta de parer
Hywelbane avec son épée brisée, mais ma lame écarta lourdement le faible
moignon de métal et je lui portai un coup d’estoc.
Et appuyai
fermement ma pointe sur le torque d’argent qui ornait sa gorge. « Seigneur
Roi ? » appelai-je, sans détacher mon regard de celui de Liofa. La
salle était silencieuse. Les Saxons avaient vu leur champion vaincu et ils
restaient sans voix. « Seigneur Roi ? criai-je de nouveau.
— Seigneur
Derfel ? répondit Aelle.
— Vous m’avez
demandé de combattre le champion du roi Cerdic, vous ne m’avez pas demandé de
le tuer. Je vous prie de m’accorder sa vie. »
Aelle se tut
un moment. « Sa vie est à toi, Derfel.
— Est-ce
que tu te rends ? » demandai-je à Liofa. Il ne répondit pas tout de
suite. Son orgueil cherchait encore une victoire, mais tandis qu’il hésitait,
je déplaçai la pointe d’Hywelbane de sa gorge à sa joue droite. « Eh bien ?
insistai-je.
— Je me
rends », dit-il, et il jeta ce qui lui restait de son épée.
J’enfonçai
Hywelbane juste assez pour lui percer la peau et ôter un morceau de chair de sa
pommette. « Une cicatrice, Liofa, pour te rappeler que tu as combattu le
seigneur Derfel Cadarn, fils d’Aelle, et que tu as perdu. » Je le laissai
là, saignant. La foule m’acclama. Les hommes sont d’étranges choses. Un moment
auparavant, ils réclamaient ma vie à grands cris et maintenant ils m’ovationnaient
parce que j’avais épargné celle de leur champion. Je récupérai la broche de
Ceinwyn, ramassai mon bouclier et levai les yeux vers mon père. « Je vous
apporte les salutations d’Erce, Seigneur Roi.
— Elles
sont les bienvenues, Seigneur Derfel, répondit Aelle, elles sont les
bienvenues. »
Il me désigna
une chaise, à sa gauche, qu’un de ses fils avait libérée ; je rejoignis
donc les ennemis d’Arthur à leur table d’honneur. Et je festoyai.
*
À fin du
banquet, Aelle m’emmena dans sa chambre située derrière l’estrade. C’était une
grande pièce aux hautes poutres, avec un feu brûlant au centre et un lit de
fourrures sous le mur du pignon. Le roi ferma la porte où il avait posté des
gardes, puis me fit signe de m’asseoir sur un coffre en bois, près du mur,
pendant qu’il se rendait au fond, défaisait son pantalon et urinait dans un
puisard creusé dans le sol de terre battue. « Liofa est rapide, me dit-il
tout en pissant.
— Très.
— Je
pensais qu’il te battrait.
— Il n’était
pas assez rapide, ou la bière l’avait ralenti. Maintenant, crachez dedans.
— Cracher
dans quoi ? demanda mon père.
— Dans
votre urine. Pour conjurer le mauvais sort.
— Derfel,
mes Dieux ne tiennent pas compte de la pisse ou des crachats », dit-il
amusé. Il avait invité deux de ses fils à venir dans la pièce et ces deux-là,
Hrothgar et Cyrning, me regardaient avec curiosité. « Alors, quel message
m’envoie Arthur ? demanda Aelle.
— Pourquoi
en aurait-il envoyé un ?
— Parce
que, autrement, tu ne serais pas ici. Tu crois avoir été engendré par un
imbécile, mon garçon ? Alors, qu’est-ce que veut Arthur ? Non, ne me
le dis pas, laisse-moi deviner. » Il rattacha la ceinture de son pantalon
en tartan, puis alla s’installer sur l’unique siège, un fauteuil romain en bois
noir incrusté d’ivoire, dont une grande partie de la décoration avait disparu. « Il
propose de me garantir la propriété de cette terre si j’attaque Cerdic l’année
prochaine, hein ?
— Oui,
Seigneur.
— La
réponse est non, gronda-t-il. Cet homme m’offre ce qui m’appartient déjà !
Quelle sorte d’offre est-ce là ?
— Une paix
perpétuelle, Seigneur Roi. »
Aelle sourit. « Quand
un homme promet quelque chose pour l’éternité, il joue avec la vérité. Rien n’est
éternel, mon garçon, rien. Dis à Arthur que mes
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