Excalibur
sur
mes talons, dans l’idée d’aller attendre dehors, lorsque je remarquai ma main.
Je la contemplai durant plusieurs battements de cœur, pensant que mes yeux me
trompaient, et comme la faible lumière m’empêchait d’être sûr de ce que je
voyais, je franchis de nouveau la porte intérieure pour retourner dans le
sanctuaire où le grand Chaudron attendait près de l’autel et là, dans la partie
la plus obscure du temple de Mithra, je levai la main droite devant mon visage.
Et vis qu’elle
brillait.
Je la fixai.
Je n’avais pas vraiment envie de croire ce que je voyais, mais ma main luisait.
Elle n’était pas devenue lumineuse, ce n’était pas une lumière interne, mais un
lavis d’un éclat indubitable recouvrait ma paume. Je passai un doigt sur la
tache luisante, y traçant une raie sombre. Ainsi, Olwen l’Argentée n’était pas
une nymphe, ni une messagère des Dieux, mais une jeune humaine que l’on avait
barbouillée des sécrétions d’un coquillage. Ce n’était pas une manifestation
des Dieux, mais de la magie de Merlin ; tous mes espoirs moururent dans
cette pièce sombre.
Je m’essuyai
la main sur ma cape et retournai à la lumière du jour. Je m’assis sur le banc,
près de la porte du temple, et contemplai le rempart intérieur où des enfants
turbulents s’amusaient à faire des glissades. Le désespoir qui m’avait hanté
durant mon voyage en Llogyr reparut. Je voulais tellement croire aux Dieux, et
j’étais cependant si plein de doutes. Qu’est-ce que cela pouvait faire, me
disais-je, que la jeune fille soit humaine et son scintillement lumineux
surnaturel un tour de Merlin ? Cela n’annulait pas le pouvoir des Trésors,
mais, lorsqu’en pensant à eux j’avais été tenté de douter de leur efficacité,
je m’étais rassuré en évoquant le souvenir de cette jeune fille nue et
brillante. Et maintenant, semblait-il, elle n’était pas du tout un présage des
Dieux, mais simplement l’une des illusions de Merlin.
« Seigneur ? »
Une voix féminine vint troubler mes pensées. « Seigneur ? »
répéta-t-elle, et, levant les yeux, je vis une jeune femme grassouillette qui
me souriait d’un air inquiet. Elle portait une robe et une mante toutes
simples, un ruban rattachait ses courtes boucles brunes, et elle tenait par la
main un petit garçon roux. « Vous ne vous souvenez plus de moi. Seigneur ?
demanda-t-elle, déçue.
— Cywwylog »,
dis-je. A Lindinis, c’était l’une de nos servantes et elle avait été
séduite par Mordred. Je me levai.
« Comment
vas-tu ?
— Aussi
bien que possible, Seigneur, répondit-elle, heureuse que je me sois rappelé d’elle.
Et voilà le petit Mardoc. Il tient de son père, n’est-ce pas ? » L’enfant
avait six ou sept ans, un visage rond énergique et des cheveux raides hérissés
comme ceux de son père Mordred. « Mais pas à l’intérieur, ajouta Cywwylog,
c’est un gentil petit garçon, sage comme une image, Seigneur. Il ne m’a pas
donné une minute de souci, pas vraiment, hein, mon chéri ? » Elle se
pencha et embrassa Mardoc. Cette effusion embarrassa l’enfant qui sourit tout
de même. « Comment se porte Dame Ceinwyn ?
— Très
bien. Elle sera contente d’apprendre que je vous ai revue.
— Toujours
gentille avec moi, elle était. Je serais bien allée dans votre nouvelle maison,
Seigneur, seulement j’ai rencontré un homme. Mariée, je suis, maintenant.
— Qui
est-ce ?
— Idfael
ap Meric, Seigneur. Il sert le seigneur Lanval. »
Lanval
commandait la garde de la prison dorée de notre roi. « Nous pensions que
vous aviez quitté notre service parce que Mordred vous avait donné de l’argent,
avouai-je à Cywwylog.
— Lui ?
Me donner de l’argent ! » Cywwylog rit. « J’aurais vu les
étoiles tomber avant que ça arrive, Seigneur. J’étais idiote à l’époque, me
confessa-t-elle joyeusement. Bien sûr, j’ignorais quel genre d’homme c’était,
et puis Mordred n’était pas vraiment un homme, pas à cette époque, et je
suppose que ça m’avait tourné la tête qu’il soit roi, mais j’étais pas la
première, hein ? Et j’ai sûrement pas été la dernière. Mais ça s’est bien
terminé. Mon Idfael est un homme bon, et il s’en moque que Mardoc soit un
coucou dans son nid. C’est ce que t’es, mon joli, dit-elle, un coucou ! »
Elle se pencha pour câliner l’enfant qui se tortilla entre ses bras
Weitere Kostenlose Bücher