Excalibur
m’arrêter lorsque je me baissai
pour passer sous le linteau de la porte. Ce n’est pas par curiosité que j’explorais
le petit édifice, mais plutôt parce que Mithra était mon principal dieu, à l’époque.
C’était le Dieu des soldats, le Dieu secret. Les Romains avaient introduit son
culte en Bretagne et bien qu’ils soient partis depuis longtemps, Mithra était
encore le préféré des guerriers. Ce temple minuscule ne comptait que deux
petites pièces dépourvues de fenêtres afin d’imiter la grotte où le dieu était
né. La première était pleine de coffres en bois et de paniers d’osier qui, je
le supposais, contenaient les Trésors de Bretagne, mais je ne soulevai aucun
couvercle pour voir. Au lieu de cela, je franchis à quatre pattes la porte du
sanctuaire obscur où miroitait le Chaudron d’or et d’argent de Clyddno Eiddyn.
Au fond, à peine visible dans la faible lumière grise qui filtrait par les deux
portes basses, se dressait l’autel de Mithra. Merlin, ou Nimue, car tous deux
tournaient ce dieu en dérision, avait posé dessus un crâne de blaireau pour
détourner l’attention du dieu. Je le balayai d’un revers de main puis m’agenouillai
près du Chaudron pour prier. Je suppliai Mithra de venir en aide à nos autres
Dieux, de se manifester à Mai Dun et de contribuer par la terreur qu’il inspirait
au massacre de nos ennemis. Je mis la garde d’Excalibur en contact avec sa
pierre en me demandant quand on avait, pour la dernière fois, sacrifié un
taureau en ce lieu. J’imaginai les soldats romains obligeant l’animal à s’agenouiller,
puis le poussant par l’arrière-train et le tirant par les cornes pour lui faire
franchir les deux portes basses ; une fois dans le sanctuaire, la bête se
relevait et beuglait de peur, ne sentant plus que les lanciers qui l’entouraient
dans le noir. Et là, dans l’obscurité terrifiante, on lui tranchait les
jarrets. Il beuglait de nouveau, s’effondrait, portant encore de ses grandes
cornes des coups aux fidèles, mais ils le terrassaient et le saignaient, le
taureau mourait lentement et le temple se remplissait de la puanteur de sa
bouse et de son sang. Puis les fidèles buvaient ce dernier en mémoire de
Mithra, comme il l’avait ordonné. J’avais entendu dire que les chrétiens
avaient une cérémonie similaire, mais ils assuraient n’accomplir aucun
sacrifice sanglant, ce à quoi peu de païens accordaient foi, car la mort est le
dû qu’il nous faut verser aux Dieux en échange de la vie qu’ils nous donnent.
Je demeurai à
genoux dans le noir, guerrier de Mithra entré dans l’un de ses temples oubliés,
et, tandis que je priais, je humai la même senteur marine qu’à Lindinis, l’odeur
forte de sel et d’algues qui nous était montée aux narines tandis qu’Olwen l’Argentée,
si mince, si délicate et si belle, parcourait la galerie. Un moment, je pensai
qu’un dieu était présent, ou que, peut-être, Olwen l’Argentée était venue à Mai
Dun, mais rien ne se manifesta ; il n’y eut aucune vision, pas de peau nue
miroitante, seulement la faible odeur de sel marin et le doux chuchotis du vent
hors du temple. Je retournai dans la première pièce et, là, l’odeur de la mer
se fit plus forte. J’ouvris les couvercles des coffres et soulevai les grosses
toiles qui recouvraient les paniers d’osier et crus en avoir trouvé l’origine
lorsque je découvris que deux de ces derniers étaient pleins d’un sel que l’air
humide de l’automne avait saturé d’eau, pourtant ma senteur marine ne montait
pas de ce sel, mais d’un troisième panier plein de raisin de mer. Je tâtai l’algue,
puis me léchai les doigts et leur trouvai un goût d’eau salée. J’ôtai le
bouchon d’un grand pot d’argile posé à côté et m’aperçus qu’il était plein d’eau
de mer, probablement destinée à humidifier le raisin de mer. Je fouillai donc
dans le panier d’algues et découvris, juste sous la surface, une couche de
longs coquillages bivalves, étroits et élégants, qui ressemblaient un peu à des
moules, sauf que leurs coquilles, plus grosses, n’étaient pas noires, mais d’un
blanc grisâtre. J’en pris une, la sentis et pensai qu’il s’agissait simplement
d’un mets délicat que Merlin aimait déguster. La bestiole, peut-être irritée
par mon contact, s’ouvrit et lança un jet de liquide sur ma main. Je la remis
dans le panier et recouvris d’algue les coquillages vivants.
Je pivotai
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