Excalibur
n’était pas feinte, car Merlin, très cachottier, ne m’avait jamais
parlé de Gauvain.
« Pas mes
lettres, ce sont les femmes qui s’en sont chargées. Non, Merlin m’a enseigné ce
que doit être mon destin. » Il me sourit timidement. « Il m’a appris
à être pur.
— Pur ! »
Je lui lançai un regard de curiosité. « Pas de femmes ?
— Aucune,
Seigneur, reconnut-il innocemment. Merlin l’exige. Pas maintenant, en tout cas,
mais après, bien sûr. » Sa voix mourut lentement et il rougit pour de bon.
« Pas
étonnant, dis-je, que tu pries pour que le ciel soit clair.
— Non,
Seigneur, non ! protesta Gauvain. Je prie pour que le ciel soit clair afin
que les Dieux viennent ! Et quand ils le feront, ils amèneront avec eux
Olwen l’Argentée. » Il rougit de nouveau.
« Olwen l’Argentée ?
— Tu l’as
vue, Seigneur, à Lindinis. » Son beau visage devint presque éthéré. « Quand
elle marche, elle est plus légère que le vent, sa peau brille dans le noir et
les fleurs poussent dans l’empreinte de ses pas.
— Et c’est
elle, ta destinée ? demandai-je, réprimant un vilain petit pincement de
jalousie à l’idée que cet esprit agile et luisant serait donné au jeune
Gauvain.
— Je dois
l’épouser lorsque ma tâche sera accomplie, dit-il avec conviction, même si pour
l’instant mon devoir consiste à garder les Trésors, mais dans trois jours, j’accueillerai
les Dieux et les mènerai sus à l’ennemi. Je serai le libérateur de la Bretagne. »
Il énonça très calmement cette scandaleuse fanfaronnade comme s’il s’agissait d’une
tâche ordinaire. Je ne dis rien, mais me contentai de le suivre, franchissant
les douves profondes qui s’étendent entre le centre de Mai Dun et les murailles
intérieures, et découvris que le fossé était plein de petites cabanes faites de
branches et de chaume. Gauvain suivit mon regard. « Dans deux jours, nous
devrons abattre ces abris et les jeter dans les feux.
— Des
feux ?
— Tu
verras, Seigneur, tu verras. »
Lorsque j’atteignis
le sommet, je ne trouvai tout d’abord aucun sens à ce que je vis. La crête de
Mai Dun est une étendue d’herbe sur laquelle une tribu tout entière pourrait se
réfugier avec tout son bétail en temps de guerre, mais là, l’extrémité ouest de
la colline était quadrillée de haies sèches dessinant une structure complexe. « Voilà ! »
dit fièrement Gauvain en les montrant comme s’il s’agissait de son œuvre
personnelle.
Les porteurs
de fagots étaient dirigés vers l’une des haies les plus proches où ils se
débarrassaient de leur charge et repartaient en traînant les pieds pour collecter
plus de petit bois. Je vis alors que ces haies étaient en réalité de grands
alignements de bûchers. Ils étaient plus hauts qu’un homme et s’étendaient sur
des kilomètres, mais ce n’est que lorsque Gauvain m’eut fait gravir le rempart
le plus central que j’embrassai leur dessin du regard.
Ils
remplissaient toute la moitié ouest du plateau et, au centre, cinq piles de
bois formaient un cercle au milieu d’un espace dégagé de soixante ou
soixante-dix pas de large. Ce vide était entouré d’une haie en spirale qui
accomplissait trois tours pleins et mesurait plus de cent cinquante pas de
diamètre. À l’extérieur, un anneau d’herbe était ceinturé par six doubles spirales
qui, partant d’un espace circulaire vide, s’enroulaient pour se refermer sur un
autre, si bien que douze espaces encerclés de bûchers se trouvaient enserrés
dans l’anneau extérieur complexe. Les doubles spirales se rejoignaient de façon
à former un rempart de feu autour de l’énorme structure. « Douze petits
cercles pour treize Trésors ? demandai-je à Gauvain.
— Le
Chaudron, Seigneur, sera au centre », dit-il d’une voix pleine d’une
crainte révérencielle.
C’était le
résultat d’un énorme travail. Les haies étaient plus hautes qu’un homme, et
serrées ; il devait y avoir, en haut de cette colline, assez de bois pour
nourrir les foyers de Durnovarie pendant neuf ou dix hivers. Les doubles
spirales de l’extrémité ouest de la forteresse n’étaient pas encore terminées
et je voyais des hommes piétiner énergiquement les fagots afin que le feu ne
flambe pas trop vite, mais brûle longtemps et ardemment. Des troncs d’arbres
entiers attendaient les flammes au centre du petit bois qui les recouvrait. Ce
serait un feu capable de
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