Excalibur
changé. Tu as été témoin de sa honte.
Quand il te voit, il se souvient d’elle. Et puis, il est jaloux.
— Jaloux ? »
Elle sourit. « Il
pense que tu es heureux. Il se dit que, s’il m’avait épousée, lui aussi aurait
été heureux.
— Il l’aurait
probablement été.
— Il l’a
même suggéré, lâcha Ceinwyn.
— Il a
fait cela ? » éclatai-je.
Elle m’apaisa.
« Ce n’est pas grave, Derfel. Le pauvre homme a besoin d’être rassuré. Il
pense que, parce qu’une femme l’a repoussé, il se pourrait que toutes les
autres fassent de même, aussi m’a-t-il fait des propositions. »
Je touchai la
garde d’Hywelbane. « Tu ne me l’as jamais dit.
— Pourquoi
l’aurais-je fait ? Il n’y avait rien à dire. Il m’a posé une question très
maladroite et je lui ai déclaré que j’avais juré devant les Dieux de vivre avec
toi. Je le lui ai dit très gentiment et, après, il s’est montré tout honteux.
Je lui ai aussi promis de ne pas t’en parler, et maintenant j’ai rompu cette promesse,
ce qui signifie que je vais être punie par les Dieux. » Elle haussa les
épaules, comme pour suggérer que la punition serait méritée et donc acceptée. « Il
a besoin d’une épouse, ajouta-t-elle.
— Ou d’une
femme.
— Non. Ce
n’est pas un coureur. Il ne peut pas coucher avec une femme et ensuite s’en
aller. Il confond le désir et l’amour. Quand Arthur donne son âme, il donne
tout, il ne peut pas livrer juste un petit bout de lui-même. »
J’étais
toujours en colère. « Que croyait-il que je ferais s’il t’épousait ?
— Il
pensait que tu régnerais sur la Dumnonie en tant que tuteur de Mordred. Il
avait cette idée bizarre que je partirais avec lui pour Brocéliande et que, là,
nous pourrions vivre comme des enfants sous le soleil, et que tu resterais ici
et vaincrais les Saxons. » Elle rit.
« Quand t’a-t-il
proposé cela ?
— Le jour
où il t’a ordonné d’aller voir Aelle. Je pense qu’il croyait que j’allais m’enfuir
avec lui pendant ton absence.
— Ou bien
il espérait qu’Aelle me tuerait, dis-je plein de ressentiment, en me remémorant
la promesse qu’avait faite le Saxon de massacrer les émissaires.
— Après,
il s’est montré tout honteux, m’assura Ceinwyn avec gravité. Et il ne faut pas
que tu lui dises que je t’en ai parlé. » Elle me le fit promettre et je
tins ma promesse. « Ce n’est vraiment pas important, ajouta-t-elle en
mettant fin à la conversation. Il aurait été réellement scandalisé si j’avais
dit oui. Il me l’a demandé parce qu’il souffre, Derfel, et les hommes qui
souffrent se comportent de façon désespérée. Ce qu’il veut réellement, c’est s’enfuir
avec Guenièvre, mais il ne le peut pas parce que son orgueil ne le lui permet
pas, et parce qu’il sait que nous avons besoin de lui pour vaincre les Saxons. »
Pour cela,
nous avions besoin des lanciers de Meurig, mais rien ne filtrait des
négociations d’Arthur avec le Gwent. Les semaines passèrent et aucune nouvelle
certaine ne nous parvint du nord. Un prêtre venu de ce pays nous dit qu’Arthur,
Meurig, Cuneglas et Emrys s’étaient entretenus pendant une semaine à Burrium,
la capitale, mais il ignorait ce qui avait été décidé. C’était un petit homme
brun et louchon qui, avec de la cire d’abeille, avait modelé sa maigre barbe en
forme de croix. Il était venu à Dun Caric parce qu’il n’y avait pas d’église
dans notre petit village et qu’il voulait en créer une. Comme beaucoup de
prêtres itinérants, il avait plusieurs femmes, trois souillons qui se serraient
autour de lui en quête de protection. J’appris son arrivée lorsqu’il se mit à
prêcher devant la forge, à côté du ruisseau, et j’envoyai Issa et deux ou trois
lanciers mettre fin à ses âneries et l’amener au manoir. Nous lui donnâmes un
gruau d’orge germé qu’il dévora goulûment, se fourrant des cuillerées de
bouillie brûlante dans la bouche, puis sifflant et crachotant parce qu’il s’échaudait
la langue. Des fragments de gruau restèrent collés à son étrange barbe. Ses
femmes refusèrent de manger avant qu’il ait terminé.
« Tout ce
que je sais, Seigneur, répondit-il à mes questions impatientes, c’est qu’Arthur
est maintenant parti vers l’ouest.
— Où
est-il allé ?
— En
Démétie, Seigneur. Voir Œngus Mac Airem.
— Pourquoi ? »
Il haussa les
épaules. « Je
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