Excalibur
la désignant, mais je
suppose qu’il faut que tu attendes que les feux soient éteints avant de pouvoir
la récupérer.
— Non ! »
Nimue s’était suffisamment remise pour protester. Elle cracha le sang qui lui
coulait dans la bouche d’une blessure à la joue que lui avait causée le coup d’Arthur.
« Les Trésors sont à nous !
— Nous
avons rassemblé et utilisé les Trésors, répliqua Merlin d’une voix lasse. Ils
ne sont plus rien. Arthur peut reprendre son épée. Il en aura besoin. » Il
pivota sur ses talons et lança son grand couteau dans le brasier le plus
proche, puis se retourna pour surveiller les deux Blackshields qui finissaient
de remplir le Chaudron. Le sel devenait rouge en recouvrant le corps horriblement
mutilé de Gauvain. « Au printemps, reprit Merlin, les Saxons viendront et,
alors, nous verrons s’il y a eu de la magie ici, ce soir. »
Nimue nous
injuria. Elle pleurait et délirait, crachait et maudissait, nous promettant la
mort par l’air, par le feu, par la terre et par la mer. Merlin faisait comme si
elle n’existait pas, mais Nimue ne s’en tenait jamais aux demi-mesures et,
cette nuit-là, elle devint l’ennemie d’Arthur. Elle commença à élaborer les
malédictions qui la vengeraient des hommes qui avaient empêché la venue des
Dieux à Mai Dun. Elle nous traita de destructeurs de la Bretagne et nous promit
un sort épouvantable.
Nous
demeurâmes sur la colline jusqu’à l’aube. Les Dieux ne vinrent pas et les feux
brûlèrent si ardemment qu’Arthur ne put récupérer Excalibur que le lendemain
après-midi. On rendit Mardoc à sa mère et j’appris plus tard qu’il mourut d’une
fièvre cet hiver-là.
Merlin et
Nimue remportèrent les autres Trésors. On chargea le Chaudron et son sinistre
contenu sur un chariot traîné par des bœufs. Nimue marchait en tête et Merlin
la suivait, comme un vieil homme obéissant. Ils emmenèrent avec eux Anbarr, le
cheval noir entier, indompté, de Gauvain, et la grande bannière de Bretagne. Où
ils se rendaient, aucun de nous ne le savait, mais nous devinâmes que ce serait
un endroit sauvage, à l’ouest, où Nimue pourrait perfectionner ses malédictions
durant les tempêtes hivernales.
Avant que les
Saxons n’arrivent.
*
C’est étrange,
en se retournant sur le passé, de se souvenir combien Arthur était détesté, à l’époque.
Durant l’été, il avait détruit les espoirs des chrétiens et maintenant, en cette
fin de l’automne, il avait anéanti les rêves des païens. Comme toujours, son
impopularité parut le surprendre. « Qu’étais-je censé faire d’autre ?
me demanda-t-il. Laisser mon fils mourir ?
— Cefydd
l’a fait. » Ma réponse ne l’aida pas.
« Et
Cefydd a quand même perdu la bataille ! » rétorqua sèchement Arthur.
Nous chevauchions vers le nord. Je rentrais chez moi, à Dun Caric, tandis qu’Arthur,
Cuneglas et l’évêque Emrys allaient voir Meurig, roi du Gwent. Cette rencontre
était la seule chose qui comptait pour Arthur. Il n’avait jamais fait confiance
aux Dieux pour sauver la Bretagne des Saïs, mais il estimait que huit ou neuf
cents lanciers bien entraînés de plus pouvaient faire pencher la balance en
notre faveur. Sa tête grouillait de chiffres cet hiver-là. Il jugeait que la
Dumnonie pouvait rassembler six cents lanciers, dont quatre cents avaient déjà
livré bataille. Cuneglas en fournirait quatre cents, les Blackshields irlandais
cent cinquante, et à ceux-ci nous pouvions ajouter une centaine d’hommes sans
maître qui viendraient peut-être d’Armorique et des royaumes du nord, attirés
par la perspective du pillage. « Disons mille deux cents hommes »,
évaluait Arthur, et dans son inquiétude il gonflait ou réduisait le chiffre
selon son humeur, mais lorsqu’il était optimiste, il osait parfois ajouter huit
cents hommes du Gwent pour arriver à un total de deux mille. Pourtant même
cela, déclarait-il, ne suffirait pas parce que les Saxons disposeraient probablement
d’une armée encore plus grande. Aelle pouvait rassembler au moins sept cents
lanciers, et c’était le plus faible des deux rois saxons. Nous estimâmes à un
millier les lanciers de Cerdic et la rumeur nous parvint que celui-ci était en
train d’acheter des lanciers à Clovis, le roi des Francs. Ces hommes loués
étaient payés en or, et on leur en avait promis plus encore lorsque la victoire
leur livrerait le trésor de Dumnonie. Nos
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