Excalibur
Il faut que tous les hommes l’envient.
Il exige au moins cela de ses épouses. Elles doivent être belles et, bien sûr,
se comporter mieux que moi. » Elle rit et me regarda en coin. « Mais
même si elle est belle et se comporte bien, cela ne marchera pas, Derfel.
— Pourquoi ?
— Oh, je
suis certaine que l’enfant mettra bas quelques bébés pour lui, s’il le désire,
mais si elle n’est pas intelligente, il se lassera vite d’elle. » Elle se
détourna pour contempler le feu. « Pourquoi penses-tu qu’il m’ait prévenue ?
— Parce
qu’il estime que vous devez le savoir. »
Cela la fit
rire. « Je dois le savoir ? Qu’est-ce que cela peut bien me faire qu’il
couche avec une petite Irlandaise ? Je n’ai pas besoin de l’apprendre,
mais lui a besoin de me le dire. » Elle me regarda de nouveau. « Et
il voudra savoir comment j’ai réagi.
— Vous
croyez ? lui demandai-je, un peu perdu.
— Bien
sûr que oui. Aussi, Derfel, dis-lui que j’ai ri. » Elle me regarda d’un
air de défi, puis haussa les épaules. « Non. Dis-lui que je lui souhaite
beaucoup de bonheur. Dis-lui ce que tu voudras, mais demande-lui une faveur. »
Elle se tut un instant, et je compris combien elle détestait cette démarche. « Je
n’ai pas envie de mourir violée par une horde de Saxons pouilleux. Au printemps
prochain, quand Cerdic arrivera, demande à Arthur de me mettre en prison dans
un endroit plus sûr.
— Je
pense qu’ici vous serez à l’abri, Dame.
— Dis-moi
ce qui te fait penser cela ? » demanda-t-elle d’un ton acerbe.
Je pris un
moment pour rassembler mes pensées. « Quand les Saxons nous envahiront,
ils suivront le cours de la Tamise. Leur but est d’arriver à la mer de Severn
et c’est la route la plus courte. »
Guenièvre fit
non de la tête. « L’armée d’Aelle suivra la Tamise, mais Cerdic attaquera
au sud, puis fera un crochet vers le nord pour rejoindre Aelle. Il passera par
ici.
— Arthur
dit que non, insistai-je. Il croit qu’ils ne se font pas confiance, et qu’ils
resteront à proximité l’un de l’autre pour prévenir une trahison éventuelle. »
Guenièvre
écarta cet argument d’un autre brusque mouvement de tête. « Aelle et
Cerdic ne sont pas des imbéciles, Derfel. Ils savent qu’ils doivent se faire
confiance assez longtemps pour gagner. Après cela, ils pourront se brouiller,
mais pas avant. Combien d’hommes amèneront-ils ?
— Deux
mille, croyons-nous, peut-être deux mille cinq cents.
— Le
premier assaut, porté sur la Tamise, sera assez violent pour vous faire croire
que c’est là leur attaque principale. Et une fois qu’Arthur aura rassemblé ses
forces pour s’opposer à cette armée, Cerdic marchera vers le sud. Il se
déchaînera, Derfel, et Arthur sera obligé d’envoyer des hommes contre lui, et
alors, Aelle attaquera le reste de nos troupes.
— À moins
qu’Arthur laisse Cerdic se déchaîner, dis-je sans croire un instant à sa
prédiction.
— Il
pourrait, mais dans ce cas, Ynys Wydryn tombera entre les mains des Saxons et
je ne veux pas être là lorsque cela arrivera. S’il ne veut pas me relâcher,
alors supplie-le de m’emprisonner à Glevum. »
J’hésitai. Je
ne voyais aucune raison de ne pas transmettre sa requête à Arthur, mais je
voulais être sûr de sa sincérité. « Si Cerdic passe par ici, Dame, il est
possible qu’il y ait des amis à vous dans son armée », hasardai-je.
Elle me lança
un regard féroce et se tut longtemps avant de parler. « Je n’ai pas d’amis
en Llœgyr », déclara-t-elle enfin, glaciale.
J’hésitai,
puis décidai de foncer. « J’ai vu Cerdic, il y a moins de deux mois, et
Lancelot était avec lui. »
Je n’avais
jamais mentionné ce nom devant elle, auparavant, et elle fit un brusque
mouvement de tête en arrière, comme si je l’avais giflée. « Que dis-tu,
Derfel ? demanda-t-elle d’une voix douce.
— Je dis,
Dame, que Lancelot viendra ici au printemps. Je suppose que Cerdic fera de lui
le seigneur de ce pays. »
Elle ferma les
yeux et, durant quelques secondes, je me demandai si elle riait ou si elle
pleurait. Puis je vis que c’était le rire qui secouait ses épaules. « Tu
es stupide, dit-elle en me regardant de nouveau. Tu essaies de m’aider !
Tu crois que je suis amoureuse de Lancelot ?
— Vous
vouliez qu’il soit roi.
— Qu’est-ce
que l’amour vient faire là-dedans ? demanda-t-elle d’un
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