Excalibur
d’épaisse laine brune. Elle était
pâle, mais son visage hautain aux yeux verts n’avait rien perdu de son pouvoir
et de sa fierté. « Je t’attendais plus tôt, me gronda-t-elle.
— Ç’a été
une dure saison, Dame, dis-je pour excuser ma longue absence.
— Derfel,
je veux savoir ce qui s’est passé à Mai Dun.
— Je vais
vous le dire, Dame, mais permettez-moi d’abord de vous donner ceci. » Je
tirai le parchemin d’Arthur du sac accroché à ma ceinture et le lui tendis.
Elle arracha le ruban, brisa le sceau d’un coup d’ongle et déplia le document.
Elle le lut à la lueur du jour réfléchie par la neige. Je vis son visage se
tendre, mais elle ne montra aucune autre réaction. Elle parut le relire, puis
le plia et le lança sur un coffre. « Parle-moi de Mai Dun.
— Qu’avez-vous
déjà appris ? demandai-je.
— Je sais
ce que Morgane a bien voulu me dire, et cette putain a forcément choisi une
version conforme à la vérité de son misérable Dieu. » Elle parlait assez
fort pour être entendue par quiconque aurait écouté notre conversation.
« Je
doute que ce qui s’est passé ait déçu le Dieu de Morgane », dis-je, et je
lui racontai toute l’histoire de cette Vigile de Samain. Lorsque j’eus terminé,
elle demeura silencieuse à regarder par la fenêtre l’enclos recouvert de neige
où une douzaine d’audacieux pèlerins étaient agenouillés devant la sainte
épine. Je nourris le feu avec l’une des bûches empilées contre le mur.
« Alors,
c’est Nimue qui a emmené Gwydre au sommet ? demanda Guenièvre.
— Elle a
envoyé des Blackshields le chercher. L’enlever, en fait. Cela n’a pas été
difficile. La ville était pleine d’étrangers et toutes sortes de lanciers
entraient et sortaient du palais. » Je fis une pause. « Je doute qu’il
ait couru un véritable danger.
— Bien
sûr que si ! » dit-elle d’un ton sec.
Sa véhémence
me laissa interdit. « C’est l’autre enfant qui aurait été tué,
protestai-je, le fils de Mordred. Il était dénudé, prêt pour le couteau, mais
pas Gwydre.
— Et
lorsque la mort de l’autre enfant n’aurait rien accompli, que serait-il arrivé ?
Tu crois que Merlin n’aurait pas pendu Gwydre par les talons ?
— Merlin
n’aurait pas fait cela au fils d’Arthur, dis-je d’une voix qui, je l’avoue,
manquait de conviction.
— Mais
Nimue, si. Nimue aurait massacré tous les enfants de Bretagne pour faire
revenir ses Dieux, et Merlin se serait laissé tenter. Si près du but, avec
seulement la vie de Gwydre entre lui et le retour des Dieux ? Oh, je pense
qu’il se serait laissé tenter. » Elle s’approcha du feu et ouvrit son
surcot pour laisser la chaleur pénétrer dans ses plis. Dessous, elle ne portait
qu’un bliaud noir et n’arborait pas un seul bijou. Pas même un anneau au doigt.
« Merlin aurait pu éprouver de la culpabilité à l’idée de tuer Gwydre,
mais pas Nimue. Elle ne voit aucune différence entre ce monde et l’Autre Monde,
aussi que lui importe qu’un enfant vive ou meure ? Mais le seul qui compte
à ses yeux, Derfel, c’est le fils du chef. Pour obtenir ce qu’il y a de plus de
précieux, il faut sacrifier ce qui possède le plus de valeur, et en Dumnonie,
ce n’est certainement pas un petit bâtard de Mordred. C’est Arthur qui
gouverne, et non Mordred. Nimue voulait la mort de Gwydre. Merlin le savait,
seulement il espérait que des victimes moins importantes suffiraient. Mais
Nimue s’en moque. Un jour, Derfel, elle rassemblera de nouveau les Trésors, et
ce jour-là, Gwydre sera saigné dans le Chaudron.
— Pas
tant qu’Arthur vivra.
— Et pas
tant que je vivrai ! » proclama-t-elle d’un air farouche, puis,
reconnaissant son impuissance, elle haussa les épaules. Elle retourna à la
fenêtre et laissa son surcot retomber. « Je n’ai pas été une bonne mère. »
Je ne m’attendais pas à cela et ne sus que répondre. Je n’avais jamais été
proche de Guenièvre, elle me traitait avec le même mélange rude d’affection et
de dérision qu’elle pouvait montrer pour un chien stupide, mais docile,
pourtant maintenant, peut-être parce qu’elle n’avait personne d’autre avec qui
partager ses pensées, elle me les offrait. « Cela ne me fait même pas
plaisir d’être mère, avoua-t-elle. Ces femmes », ajouta-t-elle en montrant
les compagnes de Morgane, vêtues de blanc, qui se hâtaient dans la neige, entre
les
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