Excalibur
les
seigneurs vulgaires », fit remarquer Ceinwyn avec espièglerie.
Guenièvre me
lança un coup d’œil et je vis qu’elle allait m’insulter, puis elle en prit
conscience et éclata de rire. « Si j’avais de l’or, Pyrlig, je te
récompenserais car tu chantes joliment, mais hélas, je n’en ai pas.
— Votre
louange suffit à me combler, Dame. »
La présence de
Guenièvre avait surpris mes lanciers et, toute la soirée, de petits groupes
vinrent la contempler, émerveillés. Elle ignora leur regards. Ceinwyn l’avait
accueillie sans la moindre marque d’étonnement et Guenièvre avait été assez
intelligente pour se montrer gentille avec mes filles, si bien que Morwenna et
Seren s’étaient endormies à ses pieds. Tout comme mes lanciers, elles avaient
été fascinées par la grande femme rousse dont la réputation était aussi
sensationnelle que son apparence. Guenièvre était simplement heureuse d’être
là. Nous n’avions ni tables ni fauteuils dans la grande salle, juste des joncs
par terre et des tapis de laine, mais elle s’assit près du feu et domina sans
effort toute la maisonnée. Il y avait, dans ses yeux, une ardeur qui la rendait
intimidante, sa cascade de cheveux roux emmêlés était d’une beauté saisissante
et sa joie d’être libre, contagieuse.
« Combien
de temps restera-t-elle ainsi ? » me demanda Ceinwyn plus tard, cette
nuit-là. Nous avions donné notre propre chambre à Guenièvre et nous étions dans
la salle commune avec nos gens.
« Je l’ignore.
— Alors
que sais-tu ?
— Nous
attendons Issa, puis nous partirons pour le nord.
— Pour
Corinium ?
— Moi, j’irai
à Corinium, mais les filles et toi, je vous enverrai à Glevum. Vous y serez
suffisamment près de la bataille et, si le pire survient, vous pourrez aller
vous réfugier dans le Gwent. »
Le lendemain,
je commençai à m’inquiéter de ne pas voir arriver Issa. Dans mon idée, nous
faisions la course avec les Saxons pour atteindre Corinium, et plus j’étais
retardé, plus nous avions de chances de la perdre. Si l’ennemi pouvait vaincre
séparément nos bandes de guerriers, alors la Dumnonie tomberait comme un arbre
pourri, et voilà que ma troupe, l’une des plus fortes du pays, était retenue à
Dun Caric parce qu’Issa et Argante n’arrivaient pas.
À midi, le
départ se fit de plus en plus urgent car nous aperçûmes alors les premières
traînées de fumée dans le ciel, à l’est et au sud. Personne ne fit de
commentaire sur les grands panaches minces qui signalaient, nous le savions,
des feux de chaume. Les Saxons détruisaient tout sur leur passage et ils
étaient assez près de nous pour que nous voyions les signes de leurs incendies.
J’envoyai un
cavalier à la rencontre d’Issa pendant que le reste d’entre nous parcourait une
lieue à pied, à travers champs, jusqu’à la Voie du Fossé, la grande route
romaine que mon lieutenant aurait dû suivre. J’avais décidé de l’attendre, puis
de remonter la voie jusqu’à Aquae Sulis, qui se trouvait à environ dix lieues
au nord, et de là nous partirions pour Corinium, douze lieues plus loin.
Vingt-deux lieues en tout. Trois jours d’une marche longue et difficile.
Nous
attendîmes dans un champ de taupinières, près de la route. J’avais plus de cent
lanciers et au moins autant de femmes, d’enfants, d’esclaves et de domestiques,
ainsi que des chevaux, des mules et des chiens. Et nous attendîmes tous. Seren,
Morwenna et les autres enfants cueillaient des jacinthes dans un bois voisin
pendant que je faisais les cent pas sur les dalles brisées de la route. Des
réfugiés passaient sans cesse, mais aucun d’eux, même ceux qui venaient de
Durnovarie, n’apportait de nouvelles de la princesse Argante. Un prêtre pensait
avoir vu Issa et ses hommes entrer dans la cité car il avait remarqué l’étoile
à cinq branches sur les boucliers des lanciers, mais il ne savait pas s’ils
étaient repartis ou se trouvaient encore là-bas. La seule chose dont tous
étaient certains, c’était que l’ennemi approchait de Durnovarie, même si aucun
n’avait réellement aperçu de lancier saxon. Ils avaient entendu des rumeurs de
plus en plus délirantes. On disait qu’Arthur était mort, ou qu’il avait fui
dans le Rheged, alors qu’on prêtait à Cerdic des chevaux qui soufflaient le feu
et des haches magiques capables de fendre le fer comme si c’était de la toile.
Guenièvre
avait emprunté un
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