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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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monter.
    —    ... Monter.
    Sortir, monter, que de détours sémantiques pour désigner l'objet de ce commerce. La tenancière tourna les talons en lui faisant signe du doigt de la suivre, pénétra dans la pièce attenante. Une dizaine de femmes, toutes assez jeunes, attendaient, affalées dans des fauteuils élimés. Pour tromper leur ennui, certaines feuilletaient un magazine, d'autres devisaient à voix basse. L'arrivée d'un client provoqua chez elles un changement d'attitude, quelque chose comme le garde-à-vous de la prostituée. Toutes adoptèrent une pose qui se voulait aguichante en le regardant fixement.
    —    Avec qui voulez-vous passer un moment ?
    Comment répondre à pareille question? Dans un monde
    où toutes les femmes respectables défendaient farouchement leur vertu, tout d'un coup Thomas se retrouvait dans une situation inédite d'abondance : choisir, sans avoir à se soucier d'une longue campagne de séduction ni de promesses d'un amour éternel pour arriver à ses fins. Si le cœur lui en disait, il pouvait en choisir trois et du coup tripler le nombre des partenaires que la majorité de ses compatriotes connaissait pendant toute leur vie. Enfin, ceux qui intériorisaient suffisamment bien les enseignements de l'Eglise pour se priver des amours mercenaires. Bien plus, la disette qu'il subissait depuis des années l'assurait que son corps serait à la hauteur du défi !
    —    Personne ne vous plaît ?
    Au fond, il ressemblait à un enfant en décembre, au milieu du rayon des jouets du magasin Picard. Il pouvait pencher pour l'exotisme et choisir une personne à la peau sombre et aux cheveux crépus, ou goûter à l'Asie avec une autre aux yeux en amande. À la fin, il opta pour les saveurs familières et murmura :
    —    La blonde.
    —    Pardon? Je n'ai pas entendu.
    —    La blonde, là au fond.
    Cette fois, ses mots portèrent dans toute la pièce. Toutes les femmes, sauf l'intéressée, retrouvèrent leurs occupations antérieures.
    —    Fernande vous conduira en haut.
    Pareil prénom ramenait le client au terroir québécois. Il emboîta le pas à une femme de vingt ans environ, solidement bâtie, une cascade de cheveux blonds sur les épaules. En montant l'escalier derrière elle, les yeux à la hauteur de ses fesses dissimulées par le tissu léger du sous-vêtement, il songea que la copie ne valait pas l'original, de loin s'en fallait.
    Après quelques minutes de marche, les deux hommes se trouvaient dans le café situé au rez-de-chaussée de la Salle de quille et de billard de Québec, au coin des rues Hamel et Couillard. Il s'agissait d'un grand édifice de brique et de pierre haut de quatre étages, avec des clochetons aux deux extrémités de la façade. En posant deux bières brunes devant eux, le serveur jeta un regard amusé à Alfred. Celui-ci paya sans y prêter attention. Un endroit de ce genre attirait les mauvais garçons toujours à court d'argent et les hommes d'un certain âge que les quilles ou le billard n'intéressaient que médiocrement. La complicité paraissait si évidente que le touriste remarqua :
    —    Tu sembles être un habitué.
    —    En plein hiver, notre petite ville offre peu de distractions. Un endroit comme celui-ci permet de tromper l'ennui.
    L'homme avala une généreuse gorgée de bière alors que son compagnon allumait une cigarette, lançait la fumée en direction du plafond en examinant les lieux. Ils se trouvaient dans un coin d'une grande salle sombre, décorée de boiseries, assis sur une banquette qui faisait un arc de cercle près d'une petite table ronde. Devant eux, de jeunes gens discutaient bruyamment de leurs derniers exploits sportifs. Situé dans la Haute-Ville, mais tout près de la Côte-du-Palais, l'endroit semblait l'un des seuls où tant les bourgeois que les prolétaires pouvaient se considérer comme chez eux. Au fond, les premiers venaient s'encanailler là et les seconds jouer les canailles. En marchant d'un pas rapide, Alfred se trouvait à dix minutes de chez lui.
    —    D'où venez-vous ? questionna-t-il après un moment.
    —    Coventry. Vous connaissez?
    —    De nom seulement. Jusqu'ici, je n'ai jamais ressenti le désir irrépressible de voir la mère patrie.
    La maîtrise de l'anglais du commerçant, fort passable, constituait un héritage des frères des écoles chrétiennes d'origine irlandaise qui dispensaient leur savoir non seulement aux garçons du quartier

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