Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
Saint-Roch, mais aussi à ceux de la Haute-Ville dans la majestueuse Académie commerciale située tout près de l'hôtel de ville. Aucune personne désireuse de gagner sa vie dans le commerce ne pouvait ignorer la langue des affaires. La situation devenait franchement ridicule quand le propriétaire du Picard Department Store écrivait en anglais à Ludger Duchesne, Boots and Shoes Manufacturer, pour lui commander soixante paires de chaussure pour homme de tailles diverses !
    —    Mais de ton côté, est-ce l'envie de voir les colonies qui t'amène de ce côté de l'Atlantique ?
    —    En quelque sorte. Selon mon père, cela s'impose si je veux prendre sa relève.
    —    Dans quel domaine ?
    —    Le commerce de détail.
    Alfred ne lui préciserait pas qu'ils étaient collègues, en quelque sorte. Une longue conversation sur la disposition de la marchandise sur des étals ne lui disait rien.
    —    Tu es descendu dans le port de Québec ?
    —    A Halifax, il y a une semaine. Avec mon camarade, je compte progresser lentement vers l'ouest. Avec un peu de chance, nous participerons à la récolte du blé au Manitoba. Mon père est convaincu que voyager les poches à peu près vides développe le caractère. Nous devrons travailler ici et là afin de payer un billet de retour en troisième classe.
    Des principes pédagogiques de ce genre auraient certainement séduit madame veuve Théodule Picard. Seul son désir d'avoir toujours ses deux fils à portée de regard leur avait évité pareilles péripéties.
    —    Quelles sont les étapes de ce grand périple, à part les plaines de l'Ouest?
    —    Montréal et Toronto. Mais surtout, mon père m'a recommandé de faire un crochet à Chicago afin de contempler
    l'œuvre de Richard Sears et Alvah Roebuck.
    Depuis quelques années, les deux hommes avaient donné une dimension tout à fait nouvelle au commerce de détail en imprimant un catalogue à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, dans lequel les consommateurs pouvaient trouver de quoi satisfaire la plupart de leurs besoins non alimentaires. Alfred avait parcouru avec fascination le gros volume de 532 pages publié l'année précédente. Le service postal des Etats-Unis acheminait les commandes au centre de distribution et livrait chez les clients les produits achetés. Le procédé séduisait un nombre grandissant d'entrepreneurs des pays occidentaux, y compris Thomas Picard.
    —    Cela vaut certainement le détour. À ta place, je passerais aussi par New York. Les grands magasins de la 5 e Avenue ne doivent pas avoir leur égal au Royaume-Uni, sans compter que les navires transatlantiques arrivent et partent par centaines tous les jours. Tu trouveras certainement un passage pas trop coûteux pour rentrer à la maison. Si tu as un peu de chance, tu le paieras en pelletant du charbon dans la salle des machines.
    Pendant quelques minutes encore, les deux hommes discutèrent de destinations de voyage. Puis Matthew se leva en disant:
    —    Nous y allons ?
    Ils regagnèrent la rue Saint-Jean, marchèrent vers l'est, passèrent la porte monumentale. Devant le YMCA, Alfred s'arrêta sous un réverbère, tendit la main pour un dernier au revoir.
    —    Je t'accompagne encore un peu, suggéra son compagnon.
    Finalement, autant le désir accumulé avait rendu Thomas Picard fébrile, autant sa petite escapade au lit lui laissait un immense sentiment de vide. D'abord, devoir sortir son porte-monnaie d'entrée de jeu le laissa perplexe : le conducteur de fiacre recevait toujours sa rémunération après la course, une fois le client rendu sain et sauf à destination. Toutefois, le souvenir du colosse à l'entrée l'incita à obtempérer sans protester. Puis, la dame possédait un corps un peu lourd, un visage fatigué, un esprit de collaboration qui n'allait pas plus loin que s'étendre sur le dos en écartant les jambes.
    Au moment de remettre sa veste, le commerçant se dit qu'il n'avait qu'un seul motif de reconnaissance à l'égard de cette prostituée trop placide : elle lui avait proposé de mettre un rubber, la façon usuelle, quoique bien peu élégante, de désigner un condom. Au moins, le sentiment d'avoir été floué dans la transaction ne se doublerait pas d'une sourde inquiétude, celle d'avoir récolté une maladie toujours invalidante, parfois mortelle dans le cas de la syphilis.
    —    Vous n'êtes pas resté longtemps, observa la tenancière au moment où

Weitere Kostenlose Bücher