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Fausta Vaincue

Titel: Fausta Vaincue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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cri, gémissement, plainte, hurlement farouche :
    « Léonore !… »
    Et voici ce qu’il voyait : la mère avait étreint de sa fille tout ce qu’elle pouvait en étreindre, c’est-à-dire le bas du corps ; elle ne pleurait pas, elle ne gémissait pas ; sa parole brève et saccadée jaillissait comme jaillit le sang d’une blessure mortelle ; elle disait en quelques secondes ce qu’elle eût pu dire en seize ans ; elle ne s’arrêtait que pour baiser furieusement les adorables petits pieds tout nus que les cordes faisaient enfler et marbraient de noir. Et de toutes ses forces décuplées, poussées à l’exaspération de la force, elle tentait de secouer la croix, de l’arracher du trou.
    Sans doute elle ne reconnaissait pas les gens qui l’entouraient, car parfois elle tournait la tête vers les visages funèbres des cardinaux, vers l’effroyable statue qui s’appelait Fausta. Et elle râlait :
    – Aidez-moi donc… par pitié, aidez-moi… je vous dis qu’elle n’est pas morte, et si elle est morte, je la réchaufferai, je la réveillerai. Je suis sa mère… Messieurs, ayez pitié… je n’ai jamais vu mon enfant… je ne savais pas que c’était elle… Cela m’étonnait aussi de sentir que j’aimais la petite bohémienne… Attends, ma fille… je saurai bien trouver la force…
    Elle fit un plus rude effort, et dans cet effort même, brisa ses forces… Elle s’abattit à genoux… Ses ongles s’incrustèrent alors au pied de la croix, puis labourèrent le sol ; puis tout à coup, elle se leva toute droite, et dans le même instant, retomba en arrière de toute sa hauteur, sans un mouvement, livide, les yeux grands ouverts tournés vers sa fille. Et elle ne respira plus… Pour toujours, elle fut immobile…
    Voilà ce que vit le cardinal Farnèse dans cette exorbitante minute d’horreur qui suivit son entrée sur l’esplanade.
    Lorsqu’il vit tomber Léonore, lorsqu’il eut au cœur ce choc qui lui apprenait qu’elle était morte, il lui sembla que ses jambes se déliaient enfin… Il put marcher… Il se traîna vers elle, se pencha, se releva, porta les deux mains à son front et dit :
    – Morte !…
    Et ce fut un tel râle que les hallebardiers rangés en arrière du trône de marbre frissonnèrent et que les cardinaux baissèrent la tête. Seule l’effroyable statue blanche et noire, seule Fausta demeura immobile.
    Alors le cardinal tira le poignard qu’il portait à côté de la croix. Son bras se tendit vers Fausta, et un long hurlement jaillit de ses lèvres tuméfiées :
    – Maudite !… Maudite !… A ton tour !…
    Il crut qu’il s’élançait, qu’il se ruait, qu’il allait frapper Fausta… En réalité, il demeura sur place ; encore une fois, il comprit que tout mourait en lui, que, dans une sorte de cataclysme de son être, tout s’effondrait, s’émiettait… et qu’il ne pouvait plus faire un pas… Alors il répéta son cri sinistre et, levant le poignard, d’un geste foudroyant se frappa à la poitrine. Presque aussitôt, il tomba non loin de Léonore.
    Il n’était pas mort encore. Dans le spasme suprême de l’agonie, il put se traîner jusqu’à elle et il la saisit dans ses deux bras… il chercha à rapprocher ses lèvres, des lèvres décolorées de la morte… mais au moment où il allait les atteindre, au moment où il allait trouver ce baiser de mort sur la bouche de l’adorée, il se raidit tout à coup, et le souffle glacé de sa bouche fut le dernier…
    Ils demeurèrent ainsi enlacés dans la mort, et l’étreinte de l’amant fut telle qu’il fut ensuite impossible de les séparer…
    Quelle que fût l’impassibilité des gens qui assistaient à cette scène, un frémissement d’horreur, de pitié peut-être parcourut cette assemblée. Peut-être aussi un autre sentiment agitait-il les dignitaires schismatiques ; leurs regards pleins d’une sourde anxiété allaient de Fausta au cardinal Rovenni qui, lui-même pâle et frémissant, jetait avidement les yeux du côté des bâtiments de l’abbaye et murmurait :
    – Pourquoi Sixte n’arrive-t-il pas ? Où est l’homme qui devait le précéder ici, porteur de son anneau ?…
    Fausta, en voyant tomber Léonore, puis le cardinal Farnèse, avait eut un mystérieux sourire et prononcé en elle-même :
    « Deux !… Que Maurevert maintenant m’amène les autres ! Que Guise arrive, et tout est fini !… »
    Alors, jetant un long regard sur les deux

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