Fausta Vaincue
roi.
– Etes-vous prêt, mon frère ? reprit Marie de Montpensier.
– Prêt ?… Qu’entendez-vous par là ? fit le duc en frémissant. Je ne veux, d’aucune façon, être mêlé à ce qui va se passer. Je suis perdu si jamais on apprend…
– Soyez donc tranquille ! La mort du roi ne sera qu’un de ces accidents que Dieu permet parfois, que l’histoire enregistre aveuglément et que les peuples accueillent comme des événements de délivrance. Nul ne saura. Jacques Clément lui-même ne sait pas. Seulement soyez prêt, mon frère !…
– Quand aura lieu… l’accident ?
Marie de Montpensier regarda fixement son frère et répondit :
– Demain !…
Le duc tressaillit, passa la main sur son front et murmura :
– Si tôt !…
– Le plus tôt est le mieux, fit sourdement la duchesse dont le visage si riant d’ordinaire prit une effrayante expression de haine. Les jours de Valois sont comptés. A quoi bon prolonger son agonie et la nôtre ?
– Oui, oui, vous avez raison… balbutia le duc.
– Demain, après l’audience, Valois se rendra à la cathédrale, en procession, les pieds nus, un cierge à la main et couvert d’un sac. C’est un vœu qu’il a fait s’il se réconciliait avec Paris. Or, demain la réconciliation sera parfaite. Le moine marchera près du roi, car dans ces processions, il est accessible à tous. Le coup lui sera porté devant la cathédrale. Vous, cependant, vous réunirez hors des murs ce que vous avez de gentilshommes et de ligueurs… le reste vous regarde !
Marie de Montpensier s’enveloppa alors d’une capuche qu’elle rabattit sur sa tête, fit un dernier signe à son frère et, étant sortie, retrouva dehors deux gentilshommes qui se mirent à l’escorter : c’étaient deux de ces cavaliers qui pendant le voyage de Paris à Chartres avaient entouré la mystérieuse litière qui marchait en queue de la colonne.
Quant au duc de Guise, ayant fait appeler Mayenne et le cardinal, il conféra longtemps avec eux. Puis, vers le soir, il se mit à table, et voulut que Maurevert, Leclerc et Maineville prissent place à ses côtés. Et malgré la gravité de la situation, malgré l’acte terrible qui se préparait dans l’ombre, ce fut encore de Pardaillan qu’ils causèrent. Bussi-Leclerc se rappela fort à propos que le chevalier lui avait dit :
– Je n’arriverai peut-être pas jusqu’à Chartres !…
Il ne fallait plus en douter : Pardaillan était mort et bien mort.
– Ma foi, je le regrette ! fit Maineville. J’eusse eu plaisir à le lier sur une aile de moulin.
– Moi aussi, dit Bussi-Leclerc.
Quant à Maurevert, il se contenta de sourire.
Vers cette heure-là, et comme la nuit tombait, celui qui faisait l’objet, de ces pensées railleuses ou sinistres dînait tranquillement avec le duc d’Angoulême dans une petite auberge, à une table accotée contre une fenêtre basse. En face de l’auberge se dressait un de ces mornes hôtels comme on en voit encore à Chartres et, de temps à autre, Pardaillan, soulevant les rideaux de la fenêtre, jetait un rapide coup d’œil sur la façade de l’hôtel où tout était éteint et clos.
– A qui appartient cet hôtel ? demanda Pardaillan à la servante, en soulevant encore une fois le rideau.
La servante s’arrêta de marcher, regarda, sourit et dit :
– Cet hôtel ?… Ah ! dame… il appartient comme qui dirait à personne. C’est-à-dire, dans les temps jadis, c’était l’hôtel des sires de Bonneval, à ce qu’on dit du moins. Mais depuis que je vis, et il y a vingt-neuf ans de cela, je n’ai jamais vu personne entrer là-dedans, jamais la porte ou les fenêtres s’ouvrir.
– Oui, murmura Pardaillan, mais en ce moment, des gens sont rassemblés là-dedans. Et je voudrais bien savoir ce qu’ils font…
– Que voulez-vous qu’ils fassent, cher ami ? grommela le duc d’Angoulême. Que voulez-vous qu’ils fassent, si ce n’est de conspirer quelque mauvais coup, puisque c’est la Fausta qui les a assemblés là ?…
– C’est vrai. J’ai vu ma belle tigresse et ses gens se glisser dans l’hôtel par la porte du jardin. Sans doute, ils conspirent, mais quoi ?…
– Pardaillan, fit le jeune duc avec un soupir, comme nous sommes loin de…
– De Violetta, hein ?… Patience, mon prince, patience ! Il y a deux êtres au monde qui peuvent nous faire savoir de quel côté nous devons nous tourner : c’est Fausta… et c’est
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