Fausta Vaincue
tenons !
Pardaillan reconnut la voix de Maurevert…
– Qu’on cerne cette maison ! commanda une autre voix que le chevalier reconnut pour être celle de Guise.
Il jeta un regard d’angoisse sur la porte. Elle était solide, heureusement, bardée de fer à l’intérieur. Il comprit qu’il avait quelques minutes devant lui pour prendre une décision. D’un bond, il fut dans la pièce où il était entré d’abord, courut à la fenêtre, leva le châssis, et par une fente des lourds volets fermés, put voir ce qui se passait dehors :
Guise à cheval, au milieu d’une troupe de cavaliers. Devant la porte, une vingtaine de gens d’armes qui soulevaient un madrier pour s’en servir comme d’un bélier. Maurevert était là !… C’était lui qui dirigeait l’opération.
Près de Guise, Pardaillan reconnut Bussi-Leclerc et Maineville. Derrière cette troupe de cavaliers, c’était la foule, qui ayant appris qu’on poursuivait quelqu’un, s’était rassurée, et sans savoir pourquoi, pour le plaisir de voir tuer sans doute, vociférait.
Ce fut dans les yeux de Pardaillan une rapide vision : le tableau entier entra dans son regard, et dans le même instant il recouvra son sang froid. Les cris de mort, le bruit des coups de madrier sur la porte, les craquements du chêne qui se fendait, la rumeur confuse et violente dont s’emplissait la Cité formaient une de ces formidables musiques auxquelles son oreille et son esprit étaient accoutumés.
Au loin, retentissaient des coups d’arquebuse et des cris perçants de femmes : simples incidents des multiples perquisitions qui avaient lieu dans l’île entière. A chaque instant, on amenait devant Guise des gens déchirés et sanglants…
– Monseigneur, ce doit être le sire de Pardaillan… nous l’avons trouvé sous un lit…
Guise secouait la tête, haussait les épaules, et l’homme était relâché, non sans force bourrades, pour lui apprendre que l’autorité ne perdait jamais ses droits, surtout quand elle se trompait. Mais le duc n’ordonnait pas d’interrompre les perquisitions, bien que le gîte de la bête traquée fut connu : la paye des soldats était fort en retard et il fallait bien les laisser se refaire un peu sur le bourgeois. Il y eut donc des logis dévastés, des hommes roués de coups, quelques morts et de nombreux blessés…
Pardaillan revint dans le vestibule au moment où un grand cri, dehors, saluait un coup de madrier qui venait de fendre la porte de haut en bas.
– Allons, murmura-t-il, c’est la fin ! Je vais laisser ici mes os… Et quand je pense que ce Maurevert…
Il s’arrêta court, les poings crispés ; une pâleur de désespoir s’étendit sur son visage…
Ayant franchi le vestibule, il parvint dans une étroite pièce qui servait de cuisine à la servante du bourreau, dans le temps où maître Claude habitait ce logis. La cuisine s’ouvrait sur une cour entourée de hautes murailles. Mais contre le mur du fond se dressait une échelle.
Pardaillan monta. De la tête, il dépassa la crête du mur… Il vit alors qu’il dominait une infecte et étroite ruelle, un boyau qui se subdivisait en deux branchements dont l’un faisait communiquer la rue Calandre avec le Marché-Neuf, et dont l’autre, perpendiculaire à ce dernier, s’enfonçait vers Notre-Dame et contournait le parvis pour aboutir à la Seine.
Pardaillan vit tout cela d’un coup d’œil. Mais il vit aussi qu’une douzaine de gens d’armes gardaient la ruelle. Alors il redescendit, rentra dans la maison du bourreau, et quelques instants après, reparut une hache à la main. Presque aussitôt il se trouva de nouveau en haut de l’échelle.
A ce moment dans la rue Calandre, une furieuse clameur s’éleva : la porte était défoncée ; les troupes de Guise se ruaient dans la maison… mais Maurevert n’était pas entré !… Derrière lui, Pardaillan entendit les hurlements, le bruit des armes, le tumulte des pas précipités, les vociférations…
– Sus ! Sus !… Pille !…
– Tue ! Tue !… Au truand !…
– A mort ! hurlait la foule en acclamant le duc de Guise.
Pardaillan s’assit sur le mur. Au même instant, il sauta…
– Place ! rugit-il en tombant sur ses pieds.
Les gardes postés là, un instant stupéfaits, cherchèrent à se réunir, et déjà Pardaillan se ruait sur le groupe, la hache levée s’abattit encore toute rouge, il y eut des trépignements, des grognements, une
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