Fausta Vaincue
trouée se fit, et pareil au sanglier qui avant de mourir fonce à travers la meute Pardaillan passa…
D’un bond il s’écarta, se rua en avant, et se retournant tout à coup, lança sa hache à toute volée… Trois hommes tombèrent, blessés ou morts…
– Alerte ! alerte ! vociféraient les gardes.
En un clin d’œil, les gens d’armes de la rue Calandre envahissaient la ruelle ; du haut du mur de la maison de Claude, d’autres se lançaient… le boyau en quelques secondes fut rempli de gens qui se heurtaient, se pressaient, s’étouffaient…
– Il se sauve !… Arrête ! Arrête !…
– Au truand ! A la hart ! A la mort !…
Pardaillan s’était élancé d’un bon pas. Il avait mis l’épée à la main, et marchait droit devant lui, sans tourner la tête…
De deux ou trois maisons, dans ce parcours, des gens sortirent pour lui barrer la route. Mais sans doute cet homme dut leur paraître terrible ; sans doute sa physionomie hérissée, flamboyante les épouvanta… car les uns rentrèrent précipitamment dans leurs trous, et les autres, n’en ayant pas le temps, se collaient au mur en gémissant :
– Grâce, monsieur le truand !
Toujours droit devant lui, toujours poursuivi par la meute hurlante, Pardaillan déboucha tout à coup sur le derrière de Notre-Dame. La meute était sur ses talons, il sentait des souffles rauques sur sa nuque ; il se disait :
« Si je fais un faux pas, si je m’arrête, si je me retourne, je suis mort ! »
Et pourtant, il fallait que cela finit !… La Cité tout entière était cernée ; les berges gardées… où aller ?… que faire ?… Il n’avait qu’une ressource unique : descendre sur une berge, et passer coûte que coûte, se jeter dans la Seine !… Mais en aurait-il le temps ?… Et pût-il même se jeter à l’eau, est-ce qu’il n’y serait pas repris aussitôt !…
Comme il débouchait du boyau dont l’étroitesse même l’avait sauvé, il comprit que sur cet espace plus large il allait être enveloppé par les poursuivants et qu’il allait tomber là, avec cette dernière espérance se faire tuer plutôt que de retomber aux mains de Guise et de Maurevert… Le désespoir l’envahit.
Dans ce suprême regard d’adieu au monde qu’il jetait autour de lui, il se vit devant une maison sinistre à la porte de fer. Le palais de Fausta !… Il était venu mourir devant le palais de Fausta !…
Un éclat de rire insensé gronda sur ses lèvres blanches, et il fit un dernier bond vers l’auberge du
Pressoir de fer,
escalada les marches, renversa à coup de pommeau quelques buveurs qui lui barraient le passage, et toujours droit devant lui, de pièce en pièce, il fonça… sans savoir, éperdu, enragé de mourir avant Maurevert !…
Dans le même moment, l’auberge fut pleine de tumulte… Les poursuivants s’y jetaient tous ensemble… De pièce en pièce, les hurlements frénétiques poursuivaient Pardaillan ; fermer les portes lui était impossible…, déjà, il avait senti les rapières ou les piques des plus avancés le heurter… Une clameur de mort, sinistre, affreuse, emplit ses oreilles… et acculé dans la dernière pièce de l’auberge, continuait sa course éperdue, il vit une fenêtre ouverte, l’enjamba… sauta dans le vide !…
A la fenêtre, des coups d’arquebuse éclatèrent. Quelques instants, l’auberge fut pleine de vociférations, puis toute cette foule reflua, l’auberge se vida rapidement, et tous se précipitèrent au bord de l’eau.
A ce moment arrivait Maurevert, haletant, livide, sa dague à la main. Il jeta autour de lui des regards sanglants, ne comprenant pas ce qui se passait. Mais derrière lui le duc de Guise arriva et gronda :
– Où est le truand ? Pourquoi n’est-il pas arrêté ?…
– Monseigneur, cria un officier sur les bords de la Seine, le sire de Pardaillan s’est jeté dans la Seine ; il est d’ailleurs blessé.
– Qu’on détache toutes ces barques, ordonna Guise ; qu’on surveille le fleuve, et dès que l’homme apparaîtra, un bon coup d’arquebuse dans la tête !…
Et se tournant vers Maurevert :
– Je crois que nous le tenons bien, pour le coup !
Maurevert ne répondit pas. Un sourire crispa ses lèvres, et l’un des premiers, il se jeta dans une barque avec trois ou quatre hommes armés d’arquebuses. Quelques secondes après la chute ou plutôt le saut de Pardaillan, la Seine était sillonnée de barques,
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