Fausta Vaincue
vous souhaite donc que les étoiles vous soient propices, dit Fausta qui cependant, prêtait l’oreille au loin et ne rentrait pas, comme si elle eût voulu retenir Pardaillan quelques minutes encore.
– Que dois-je faire de ce cheval ? dit Pardaillan qui cherchait un moyen de prendre congé.
– Gardez-le ! fit vivement Fausta, sinon en amitié, du moins en souvenir de moi.
Pardaillan attacha la bête à un anneau et répondit :
– Hélas ! madame, je ne suis qu’un pauvre gentilhomme sans maison ni écurie… J’ai déjà une monture équipée ; si j’acceptais celle que vous voulez bien m’offrir, je serai forcé de la laisser mourir de faim. Sur ce, madame, daignez me permettre de prendre congé…
– Je ne vous retiens pas, monsieur, dit Fausta. Adieu, et soyez remercié !…
Pardaillan s’inclina profondément, tandis que Fausta rentrait à l’intérieur de son palais. Tant que la porte ne fut pas refermée, le chevalier s’attendait à quelque attaque soudaine, et se tenait sur ses gardes.
– Allons, je deviens mauvais, murmura-t-il en s’en allant. Pourquoi cette femme que j’ai sauvée aujourd’hui me voudrait-elle du mal ?… Je lui ai parlé un peu bien cavalièrement… je ne suis qu’un rustre.
Tout en s’adressant ces reproches qui avaient le mérite d’être sincères, Pardaillan longeait sans hâte les bords du fleuve, et ce fut ainsi qu’il parvint non loin du pont Notre-Dame au moment même où une troupe d’une quinzaine de cavaliers prenait position sur ce pont. De l’endroit où il se trouvait, Pardaillan ne pouvait voir ces cavaliers, la chaussée du pont lui étant masquée par les maisons qui la bordaient. Mais il vit parfaitement qu’on tendait les chaînes.
« Qu’est-ce que cela veut dire ? pensa-t-il. Garons-nous à tout hasard. »
Il fit donc un crochet à gauche et parvint dans la rue de la Juiverie, d’où il put constater que le pont Notre-Dame était gardé. Il était d’ailleurs bien loin de supposer que c’était à lui qu’on en voulait ; mais dans la situation où il se trouvait, il ne devait nullement souhaiter d’avoir à parlementer avec des hommes d’armes qui portaient le blason de Lorraine.
« J’en serai quitte pour entrer dans l’Université par le Petit-Pont, songea-t-il, et une fois dans l’Université, j’attendrai que les passages soient libres. »
Il fit volte face et, suivant la rue de la Juiverie, se dirigea vers le Petit-Pont. A cent pas il s’arrêta. Là encore, il y avait une troupe de cavaliers, et la chaîne était tendue !
– Diable ! fit Pardaillan. Voilà qui va me faire perdre du temps… Et pourtant, ajouta-t-il rudement, je ne veux pas passer ma journée dans la Cité… M. de Maurevert pourrait s’impatienter de ne pas me voir.
Comme on peut le constater. Pardaillan ne songeait guère que ces mesures pouvaient avoir été prises contre lui. A supposer même que le duc de Guise connut sa rentrée à Paris, comment en effet eût-il pu savoir précisément que le chevalier était dans la Cité ?
Sans autre inquiétude que celle du temps perdu, Pardaillan se dirigea donc vers la rue de la Barillerie ; de ce côté, il pourrait déboucher soit sur le quai de la Mégisserie par le pont aux Changeurs, soit sur la rue de la Harpe par le pont Saint-Michel. Ce ne fut pas sans frémissement que le chevalier vit ces deux ponts également barrés.
Enfin lorsqu’il eut constaté qu’il n’y avait pas davantage moyen de passer par le pont aux Colombes, ni même par les échafaudages des constructions du Pont-Neuf, il dut bien s’avouer qu’il était prisonnier dans la Cité.
Il songea alors à essayer de traverser la Seine, soit en démarrant une barque, soit même à la nage. Mais s’étant approché de la berge à peu près à l’endroit où avait eu lieu le duel de Maurevert avec Lartigues, il constata qu’un singulier mouvement se faisait sur les berges.
Du pont Notre-Dame au pont aux Changeurs, des hommes d’armes s’étaient détachés et s’échelonnaient de façon à former une haie. Pardaillan vit qu’il était entièrement cerné dans l’île.
– A ce moment même, il s’aperçut que de toutes parts, ces troupes pénétraient dans les rues de la Cité… Non seulement il était cerné, mais il allait être reconnu !…
Il était évident qu’on traquait quelqu’un. Une sorte de battue s’organisait. Des bourgeois et des femmes passaient en courant et se
Weitere Kostenlose Bücher